Les orages et inondations de mai - juin 2018 : pourquoi ?
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- Publication : jeudi 14 juin 2018 13:44
- Écrit par : Philippe Mievis
Depuis la fin du printemps et particulièrement depuis la mi-mai, on assite à une succession d'orages parfois violents accompagnés de grêle et de pluies intenses générant des inondations.
Pourquoi cette successions d'orages intenses ?
Cela risque-t-il de se poursuivre cet été ?
Eclairs dans la région d'Estinnes, photographiés le 28 mai 2018.
Photo : Jérémy Lokuli, Au plus près des orages.
Rappel sur les orages en Belgique
Des orages sont possibles à n'importe quel moment de l'année en Belgique. Cependant, c'est de mai à septembre qu'ils sont généralement les plus puissants, de par la chaleur et l'humidité présente, qui permet une convection plus importante, et ensuite parce que le sommet des cumulonimbus (nuages d'orage) est plus élevé en été qu'en hiver, permettant un plus grand gradient de température entre la base et le sommet du nuage, et, dès lors, potentiellement des phénomènes plus violents. Liés à ces orages violents, outre les inondations liées aux précipitations importantes sur un court laps de temps, citons aussi les tornades et la grêle, de même que les coups de vent dévastateurs (les downbursts ou rafales descendantes, qui peuvent dépasser largement les 100 km/h, parfois appelés mini-tornades (sic) dans la presse). Chaque année, des dégâts consécutifs aux conséquences des orages violents sont à déplorer sur notre territoire. Souvenons-nous des averses de grêle de la Pentecôte 2014, des inondations de juillet 2014 dans le Brabant Wallon, ainsi que celles de mai-juin 2016... Et quand on remonte dans le temps, nous retrouvons des épisodes de ce type, comme en août 1996, ou en juin 1953 et en août 1939. Parmi de nombreux autres exemples.
Il ne faut donc pas faire trop rapidement de raccourcis et limiter ces orages et inondations répétés au changement climatique : il est toujours très délicat de lier un événement pris isolément au changement climatique. C'est sa récurrence dans les prochaines années qui serait un élément à prendre en considération, et pour l'instant nous n'avons pas le recul encore pour trancher même s'il apparait que des fins de printemps et des étés humides et orageux risquent de devenir plus fréquents dans le futur.
La situation de mai - juin 2018.
Les orages de la période fin mai et début juin 2018 en Belgique et dans une bonne partie de l’Europe de l’ouest d’ailleurs, trouvent leur explication dans la conjonctions de plusieurs facteurs.
1. Une masse d’air chaude, d’origine tropicale, assez inhabituelle si tôt dans la saison, et fortement chargée d’humidité.
2. La présence, de façon récurrente, d’une goutte froide d’altitude (air très froid en altitude) au large de la péninsule ibérique ou sur le proche Atlantique qui a eu deux effets : augmenter l’instabilité atmosphérique au sein de l’Europe de l’ouest et qui a contribué à l’apport de masses d’air d’origine méridionale sur nos régions.
3. Un marais barométrique stable sur l’Europe de l’ouest. Un marais barométrique est une zone géographique assez étendue au sein de laquelle on ne note pas de grandes variations de pression, à la fois dans l’espace mais aussi dans le temps. Conséquence, les masses d’air sont statiques et il suffit qu’il s’y crée de petits fronts secondaires pour que des orages éclatent. De plus, comme les masses d’air sont stables, les orages qui y prennent naissance sont eux aussi fort peu mobiles et des inondations peuvent rapidement en découler, l’orage se vidant littéralement sur place, alors qu’à 10 km de là, il ne sera tombé aucune goutte.
Les orages qu’on a pu observer durant cette période ont été de tout type : de simples monocellulaires (mais qui ont pu générer des inondations quand ils se sont littéralement vidés sur place), des multicellulaires, des supercellulaires (un d’eux a généré une tornade sur l’ouest de l’Allemagne), voire même un MCS (Système convectif de méso-échelle), le 28 mai dernier. Nous y reviendrons dans nos résumés climatologiques de mai et de juin.
Pourquoi les mêmes régions ont souvent été touchées, tandis que d’autres moins ou pas du tout ?
Effectivement, si la région de Bruxelles a été relativement épargnée (Uccle particulièrement, moins déjà pour le nord-ouest de Bruxelles), d’autres régions ont été particulièrement touchées, comme le Borinage, la région de Liège, le Limbourg et les Hautes Fagnes, et ce à plusieurs reprises.
Si des éléments géographiques et orographiques jouent un rôle indéniable dans certaines régions, le fait aussi qu’une région reçoive de grosses quantités d’eau donnera par la suite une évapotranspiration plus importante, ce qui rendra cette zone plus propice par la suite aux orages (surtout dans le scénario du marais barométrique que nous avons évoqué plus haut)
Et pour la suite ?
Nous avions annoncé dans nos tendances saisonnières que la saison printemps-été 2018 serait propice aux orages. Si actuellement nous connaissons une période plus fraîche et plus calme au niveau des phénomènes orageux, ceux-ci devraient reprendre en cette fin juin et peut-être début juillet avant un temps enfin moins perturbé.
Situation typique de marais barométrique ce 24 mai 2018 : peu de variation (de relief) de
pression sur le continent européen (les isobares, lignes d'égale pression, sont très espacées).
Dans ce marais barométrique, des pseudo-fronts peuvent se créer, donnant
la dynamique nécessaire à la survenue d'orages.
Carte : KNMI
Quelques liens intéressants sur notre site.
Lien sur les statistiques horaires de la foudre sur notre territoire des dernières 24h.
Animation en temps réel des impacts de foudre