Vigilance météo
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Retour au 24 et 25 juillet 2019 : Les premiers 40°C en Belgique

Préambule

Dans le cadre de notre rubrique "Climats d'hier et d'aujourd'hui", nous allons réanalyser en détail des épisodes météorologiques récents et remarquables de ces dernières années, en essayant d'expliquer en détail les causes et conséquences de ces épisodes, à raison d'une analyse par mois. Deuxième volet de la série : les premiers 40°C en Belgique, il y a juste 5 ans.


Introduction

Les premiers 40°C enregistrés en Belgique, durant l’été 2019, marquent vraiment un tournant dans l’histoire météorologique de notre pays. Jusque là, ce niveau nous paraissait inaccessible. Les précédents records étaient de 38,8°C à Hechtel-Eksel (27/07/2018) ; 38,8°C à Liège-Monsin (02/07/2015) ; 38,7°C à Haacht (27/06/1947) et 38,6°C à Aubange et à Torgny (08/08/2003). Le grand été 1976, quant à lui, n’a réussi qu’à produire 37,7°C à Meeuwen (16/07/1976).

Le 24 juillet 2019 par contre, on y est ! Les premiers 40°C de l’histoire de la Belgique sont atteints à Liège-Angleur, avec 40,2°C. Mais le lendemain, ce sont de grandes parties de notre pays à franchir. Presque toutes nos villes en sont concernées, à commencer par Liège où Angleur enregistre cette fois 41,0°C. À Anvers, on note 40,4°C à l’aéroport de Deurne ; à Bruxelles, ce sont 40,2°C à l’aéroport de Bruxelles-National. À Charleroi, on observe 40,4°C à l’aéroport de Gosselies tandis qu’en région gantoise, on monte jusqu’à 40,4°C à Semmerzake. Et ce ne sont même pas les plus hautes valeurs du pays. À Begijnendijk, on atteint 41,8°C et à Houyet, 41,6°C. C’est tout simplement incroyable !

Températures maximales du 25 juillet 2019. Source : IRM

Revenons à présent sur ce phénomène météorologique tout à fait exceptionnel.


Une surprise qui n’est pas totale

Un premier coup de semonce retentit un mois plus tôt, à la fin juin, mais là, on l’échappe encore belle. Le 28 juin 2019, le thermomètre s’affole dans le sud de la France. La localité de Callargues-le-Montueux monte jusqu’à 45,9°C !! Des villes plus connues du Midi de la France sont à peine moins chaudes : 44,4°C à Nîmes ; 44,3°C à Carpentras ; 43,5°C à Montpellier et 42,8°C à Avignon.

La station de Callargue-le-Montueux, photos prises le jour du record par Dorian Dziadula

En altitude, cet air très chaud se répand jusque loin dans le nord. Le lendemain, 29 juin, la température au niveau 850 hPa, à 1540 mètres d’altitude, monte jusqu’à 23°C au-dessus de Beauvechain, un niveau encore jamais atteint en juin. La veille déjà, une bulle d’air très chaud est passé au-dessus des Cornouailles avec 25°C à 1580 mètres d’altitude au-dessus de Camborne. Par chance chez nous, des infiltrations maritimes dans les basses couches empêchent encore les températures de monter trop haut en surface. Malgré cela, les températures du 29 juin dépassent déjà largement les 30°C sur une large portion du territoire belge, avec des pointes de 34°C dans la vallée de la Meuse.

La nuit du 30 juin au 1er juillet 2019, alors que dans l’ensemble, la chaleur décline un peu sur la France, on parle d’un puissant Heat Burst en Saône-et-Loire. À Montret, la température, qui était de 26,1°C à 23h30, monte jusqu’à 34,7°C à 0h00. Et à 1h00, plus de trace de ce Heat Burst, le thermomètre affiche à nouveau 26,8°C. Non loin de là, à Saint-Marcel, on monte même jusqu’à 35,3°C peu après minuit. Toujours dans la même région, à Chapelle-sous-Brancion, un témoin parle d’un « vent terriblement chaud, compact à minuit ».


Le phénomène caniculaire nocturne est bien visible sur cette carte d’Infoclimat

Nous voilà donc prévenus, de quoi la météo est capable ! 


Quand les vents brûlants débarquent aussi chez nous

En fin juillet, la configuration barométrique de surface devient propice pour l’advection d’air très chaud même vers notre pays. Dès le 23 juillet, les pressions restent constamment hautes à l’est de nos régions, et basses à l’ouest de nos régions, avec des dépressions sur l’Océan et des centres de basse pression thermique, plus modestes, qui se forment souvent en bordure du continent.
Les vents, qui ont souvent soufflé de sud-ouest, s’orientent au sud-est le 23 juillet et restent en moyenne établis à ce secteur jusqu’à la nuit du 25 au 26 juillet, si l’on excepte une petite phase (partiellement) plus maritime durant l’après-midi du 24 juillet.

Voyons à présent en détail le déroulement des 23, 24, 25 et 26 juillet 2019. 


23 juillet 2019

La nuit du 22 au 23 est encore bien agréable. Nulle part, le minimum est supérieur à 20°C. Bien souvent en plaine, ce minimum se situe même autour de 14-15°C, alors qu’il est de 16-18°C sur les (bas) plateaux. En bordure de mer, à Zeebruges, on relève 18,8°C, alors qu’à Elsenborn, on enregistre 10,0°C.
En journée, le ciel est serein ou presque partout. Tout au plus voit-on quelques cirrus isolés.
La création d’un nouveau noyau anticyclonique sur le nord de l’Allemagne, puis le Danemark, nous vaut des vents de sud-est, puis d’est qui acheminent de l’air de plus en plus chaud.


Source : KNMI

Cependant, on peut encore parler d’une journée « caniculaire » normale, comme on en a déjà connu pendant plusieurs « grands » étés, notamment au cours d’années récentes. Les maxima, souvent atteints en fin d’après-midi ou début de soirée, finissent par atteindre des valeurs de 34 à 35°C, localement 36°C en plaine et de 31 à 32°C sur les hauteurs.
Les plus fortes valeurs, dépassant 35°C, sont les suivantes :

Hastière : 35,8°C
Koersel : 35,8°C
Chièvres : 35,5°C
Schaffen : 35,5°C
Gosselies : 35,1°C

À cela s’ajoutent quelques très gros écarts entre le minimum et le maximum de la journée, dignes d’être mentionnés :

Elsenborn : 10,0°C / 32,4°C
Diepenbeek : 12,5°C / 34,7°C
Chièvres : 13,8°C / 35,5°C
Dourbes : 13,6°C / 34,7°C
Beitem : 13,6°C / 34,4°C
Retie : 13,3°C / 33,8°C
Buzenol : 13,3°C / 33,7°C
Zaventem : 14,3°C / 34,4°C

À Zeebruges par contre, c’est tout l’inverse qui se passe, avec un minimum de 18,8°C et un maximum de 28,5°C. Là, un régime de brise de mer de nord-est s’instaure dès la fin de la matinée, d’abord hésitant avec encore temporairement des poussées de vent de sud-est et des températures de 27-28°C, puis plus franc de nord-nord-est en milieu d’après-midi, avec des températures de 24-25°C.
À quelques centaines de mètres à l’intérieur des terres, cette brise de mer ne parvient plus vraiment à s’imposer et les températures sont presque aussi élevées qu’ailleurs (32,6°C à l’aéroport de Middelkerke).

Enfin, les sondages atmosphériques révèlent déjà l’arrivée de l’air encore plus chaud, qui nous atteint le lendemain. Au-dessus d’Idar-Oberstein, la température au niveau 850 hPa était encore de 16°C la nuit précédente, à 2 heures, sous une inversion située vers 1800-1900 mètres. Cette température augmente graduellement en journée pour atteindre, le soir à 20 heures, 20°C à ce même niveau 850 hPa. Une nouvelle inversion s’est formée entre-temps vers 2300 mètres, surmontée d’un air (relativement) plus chaud encore, avec 14°C à plus de 2500 mètres d’altitude ! L’air au-dessus de cette inversion continuera à se réchauffer durant la nuit, si bien que les températures au niveau 700 hPa flirteront à nouveau avec des records.
C’est le cas aussi au-dessus de Beauvechain, où l’inversion en question se présente plutôt comme une isothermie. Mais on remarquera surtout la couche d’air très chaud qui persiste la nuit à une grosse centaine de mètres au-dessus du sol, avec 31°C à 242 m d’altitude (soit une hauteur de 115 mètres par rapport au lieu où le ballon a été lancé). 


24 juillet 2019

La nuit et le matin, la météo de notre pays continue à être déterminée par des courants tropicaux commandés par un long anticyclone à l’est, s’étendant, avec plusieurs noyaux, de la Suisse à la Scandinavie. À l’ouest, les pressions sont relativement basses avec notamment une dépression sur l’Océan et une autre entre l’Islande et l’Écosse.


Source : KNMI

Rappelons la présence d'une couche d’air très chaud au-dessus de notre pays la nuit, avec 31°C à une hauteur de 115 mètres au-dessus du sol de Beauvechain. Il s’ensuit qu’en surface, les nuits sont souvent restées chaudes au-dessus des plateaux, avec des minima ne descendant pas en dessous de 23,9°C à Bierset et de 23,2°C à Beauvechain. Les plaines, les cuvettes et les vallées, par contre, bénéficient encore d’une petite fraîcheur nocturne. Elsenborn descend jusqu’à 13,1°C et Hastière, jusqu’à 13,6°C. En plaine, nous avons encore pas mal de valeurs de 16-17°C, voire localement 15°C.
Mais dès huit heures du matin, il fait chaud à peu près partout, avec la barre des 25°C déjà dépassée par endroit.

À ce moment, une ligne de convergence se rapproche rapidement de la côte belge avec, tôt le matin, quelques averses au large et, très loin au large, aussi des orages. Sur la côte même, on observe de nombreux altocumulus castellanus qui persistent un certains temps. Ces castellanus matinaux, dans une moindre mesure, affectent aussi l’ouest du pays.
Sinon, le ciel est généralement serein, à l’exception de quelques très rares cirrus et quelques encore plus rares cumulus à base très élevée. Au littoral, il subsiste quelques bancs d’altocumulus.
Dans un premier temps, les vents soufflent de sud-est à sud partout, mais après, la ligne de convergence (ou ce qui en reste) parvient à s’avancer vers l’intérieur des terres avec des vents tournant à l’ouest, puis au nord-ouest sur une portion de plus en plus grande du territoire belge.

Même si l’infiltration maritime ne réussit pas vraiment, l’ouest et, dans une moindre mesure le centre, perdent quelques degrés et ne connaîtront pas de records. En effet, sur l’ouest des plaines, les maxima se situent autour de 34-35°C (autour de 30°C au littoral), tandis que sur l’est, les températures deviennent tout à fait extrêmes avec 37-39°C, voire 40°C en plaine et dans les vallées, ainsi que sur les plateaux du centre-est, et encore 34 à 36°C sur les hauteurs.

Parmi les records, nous retiendront surtout les 40,2°C observés à Liège-Angleur. Mais d’autres valeurs sont très extrêmes aussi, comme les 39,9°C de Kleine Brogel, les 39,4°C de Schaffen, les 39,3°C de Diepenbeek, les 38,8°C d’Hastière et de Strée-Huy, les 38,5°C de Retie, les 38,3°C de Dourbes et les 38,1°C de l’aéroport de Bierset. Il est inutile de dire que ces valeurs pulvérisent tous les précédents records… pour un jour seulement, puisque le 25 juillet fera encore beaucoup mieux.
Le sud-ouest, l’ouest et le nord-ouest du pays, comme déjà annoncé plus haut, n’enregistrent aucun record mais, en raison d’une humidité plus forte, connaissent une chaleur d’étuve, parfois plus insupportable encore malgré les quelques degrés en moins.

Enfin, parlons de l’unique orage, à développement explosif, qui s’est formé peu avant 18 heures à la limite des provinces de Namur, Liège et Luxembourg , non loin de Durbuy, et qui s’effondre une grosse heure plus tard du côté de Trois-Ponts.
Quoique des précipitations soient bien visibles sur les images radar, aucune donnée de précipitations significatives ne nous parvient (1 mm à Bra-sur-Lienne). On rapporte pourtant de fortes pluies, de la grêle, des arbres arrachés et même des inondations. Une seule station de particuliers, Ferrières, nous donne 6,6 mm tombés entre 18h30 et 18h50.


Orage sur Durbuy, en province de Luxembourg, vu depuis Wartet en province de Namur.
Photo : Hubert Maldaghe du Collectif Belgorage.

Cette cellule orageuse, en raison de la quasi-absence d’autres nuages, est visible de très loin. Ci-dessous, on la voit depuis Braine-l’Alleud, captée par le webcam de MétéoBelgique à 18h20.

Webcam MeteoBelgique de Braine-l’Alleud.


25 juillet 2019

Et nous y voilà, à la journée de tous les superlatifs ! Dès 8 heures du matin, les températures sont déjà exceptionnelles en de nombreux endroits et dépassent parfois déjà les 25°C. Sur les plateaux, on observe 26,6°C à Saint-Hubert ; 26,4°C à Gosselies ; 26,1°C à Florennes ; 25,2°C à Beauvechain et 25,0°C à Bierset et à Uccle. Par effet de pseudo-foehn, quelques pentes, comme celle de l’aérodrome de Spa (27,1°C), connaissent des températures plus élevées encore.
À 10 heures du matin, bien des endroits atteignent déjà 30°C et à midi, ce sont des valeurs de 35°C qui commencent à tomber…

Déroulement de la journée

La zone de convergence, qui la veille nous a valu des vents de nord-ouest et une (très légère) infiltration maritime, a été repoussée vers le nord, si bien que les vents de sud-est peuvent revenir sur tout le pays. Quelques endroits bénéficient d’une petite fraîcheur nocturne avec des minima de 17-19°C, très localement même un peu moins, sinon la nuit est chaude, plus particulièrement sur les plateaux.
Les températures de 8 heures annoncent déjà la couleur, avec souvent 24 à 26°C, voire 27°C par endroit. Ensuite, le soleil de plomb fait le reste. Car le ciel est serein à peu nuageux, avec juste quelques bancs d’altocumulus, parfois de floccus et castellanus. Peu après midi, la convection s’enclenche sur l’est du pays, avec de l’activité orageuse dès le début de l’après-midi sur l’est des Hautes-Fagnes. Sur le centre du pays, les premiers cumulus se forment en milieu d’après-midi, avec de grandes disparités locales, développement rapide ou non en cumulus congestus et cumulonimbus.

Webcam MB de Braine-l’Alleud, à 16 heures

À ce moment-là, il fait incroyablement chaud, avec parfois de petites rafales de vent qui font plus penser à un sèche-cheveux qu’à un vent du dehors. La plupart des endroits sont alors en train d’atteindre leur maximum (souvent de 40°C ou plus). Puis, en fin d’après-midi / début de soirée, un second maximum de température est atteint par endroit, ce qui fait paraître l’air plus étouffant encore. À Zaventem par exemple, on mesure 39,8°C à 18 heures (après un maximum diurne de 40,2°C). À ce moment, une petite turbulence liée à la convection nous vaut des bouffées d’air chaud comme on n’en a jamais vu en Belgique.
Des orages se développent sur le centre-est du pays, et touchent Bruxelles et sa région environnante vers 20 heures. Parfois, ces orages sont secs ou presque, avec davantage de virga que de précipitations.

Venons à présent aux températures maximales, qui pulvérisent tous les records.

D’abord les longues séries :

Station  T° mesurée Prec. record

 Lille (FR) (disponible depuis 1955)

41,5°C   37,6°C (27/07/2018)

 Dunkerque (FR) (disponible depuis 1955)

41,3°C  38,3°C (19/07/2006) 

Liège-Angleur (disponible depuis 1968) 

41,0°C  38,1°C (02/07/2015) 

 Roulers-Beitem (disponible depuis 1954)  

 40,7°C 36,8°C (27/07/2018)  

Kleine Brogel (disponible depuis 1954) 

40,6°C   38,2°C (20/08/2009)  

Anvers-Deurne (disponible depuis 1954) 

40,4°C   37,2°C (27/07/2018) 

Coxyde (disponible depuis 1967) 

40,2°C  36,2°C (06/08/2003)  

Beauvechain (disponible depuis 1954) 

40,1°C   35,8°C (27/07/2018)  

Dourbes (disponible depuis 1966) 

 39,8°C   36,5°C (12/08/2003) 

Bruxelles-Uccle (disponible depuis 1892) 

39,7°C   36,8°C (27/07/1947)  

Maastricht (NL) (disponible depuis 1906) 

 39,6°C   38,2°C (02/07/2015) 

Liège-Bierset (disponible depuis 1954)  

 39,5°C 37,5°C (02/07/2015)  

Aéroport Findel (LU) (disp. depuis 1947) 

39,0°C   37,9°C (08+12/08/2003)  

 Saint-Hubert (disponible depuis 1954) 

 35,2°C  34,4°C (06+08/08/2003) 

Mont-Rigi* (disponible depuis 1927)

34,9°C  33,8°C (23/08/1944)  
 
 * Il s’agit de la réunion de deux séries fort similaires : Baraque Michel (1927-1975) et Mont-Rigi (1975-2024)
 

Et voici les séries d’une quarantaine d’années : 

Station 

T° mesurée Prec. record

Koersel (disponible depuis 1984)

41,0°C 37,6°C (20/08/2009)

Gosselies (disponible depuis 1984)

40,4°C 37,0°C (19/07/2006)

Kruishoutem (disponible depuis 1985)

40,4°C 36,4°C (dates diverses)

Sint-Katelijne-Waver (disp. depuis 1984)

40,3°C 36,6°C (27/07/2018)

Zaventem (disponible depuis 1984)

40,2°C 36,0°C (26/07/2018)

Hastière (disponible depuis 1977)

40,2°C 37,4°C (12/08/2003)

Gorsem (disponible depuis 1982)

39,4°C 36,8°C (19/07/2006)

Stabroek (disponible depuis 1976)

39,2°C 36,9°C (19/07/2006)

Florennes (disponible depuis 1976)

39,0°C 36,7°C (06/08/2003)

Middelkerke (disponible depuis 1984)

38,9°C 36,0°C (19/07/2006)

Aubange (disponible depuis 1986)

38,8°C 38,6°C (08/08/2003)

Spa-aérodrome (disponible depuis 1982)

36,7°C 35,0°C (08/08/2003)

Elsenborn (disponible depuis 1987)

36,2°C 35,1°C (08/08/2003)


Comme on peut le voir, ce 25 juillet 2019 a pulvérisé tous les records, même ceux des stations à longue série de données. Tous les vieux records, comme ceux de 1944 et 1947, sont passés à la trappe, de même que ceux, plus récents, de 2003, 2015 ou 2018. Il n’y a que sur l’extrême est et sud-est du pays que 2019 n’a que peu dépassé la très forte chaleur qui y avait régné en 2003.
À noter qu’en ce 25 juillet 2019, des températures encore plus élevées que celles reprises dans les tableaux ci-dessus ont été observées à Begijnendijk et à Houyet, avec respectivement 41,8°C et 41,6°C. Malheureusement, nous ne disposons pas de séries climatologiques suffisamment longues de ces stations pour pouvoir comparer avec le passé. Nous savons cependant que la température avait précédemment atteint 38,2°C à Begijnendijk le 19 juillet 2006.
En soirée, les températures restent fort élevées, sauf là où il y a (ou il y a eu) des orages. À 20 heures, on observe encore 37,8°C à Beitem ; 37,6°C à Melle ; 37,2°C à Semmerzake ; 37,1°C à Dourbes ; 36,9°C à Coxyde ; 36,8°C à Chièvres et 36,5°C à Middelkerke. Seules une bande un peu à l’est de Bruxelles connaît des températures inférieures à 30°C. Une activité orageuse s’y est en effet développée.

La surchauffe a rendu l’air sec, mais instable, et le peu d’humidité résiduelle a suffi pour former quelques orages, parfois violents. À Braine-l’Alleud, on assiste à un véritable déluge accompagné de grêle. Une station de particulier y mesure 22,1 mm de précipitations entre 19h30 et 19h50, alors que la température, en 1 heure de temps, y perd près de 18°C en passant de 40°C à 22°C (aléa : ± 1°C). De grosses rafales font également des dégâts dans la région : à 19h10 à Rixensart, à 19h30 à Braine-l’Alleud et à 20h00 à Halle.
En raison de l’intense évaporation, de fortes chutes de températures sont observées même avec très peu de pluie. À Uccle, 1,7 mm de pluie suffisent pour faire baisser la température de 38,1°C (18h) à 25,0°C (20h), avant qu’elle ne remonte à nouveau durant la nuit (27,8°C à 00h). Il en résulte, plus tard dans la soirée, de très fortes disparités entre des régions qui restent plus ou moins fraîches grâce à un outflow orageux (23-25°C), et des zones non concernées par ces outflows, qui affichent parfois encore 33°C à 23 heures (Beitem, Melle). D’autres forts orages sont cependant actifs, à ce moment, au littoral avec des rafales jusqu’à 76 km/h.

Ci-dessous, un exemple d’orage peu pluvieux, mais temporairement très rafraîchissant dans la région de Landen, en province du Brabant Flamand :

Photo : François Riguelle du Collectif Belgorage

En dehors de ces orages, l’air reste très chaud même en altitude. Le sondage atmosphérique du soir de Beauvechain révèle une couche d’air à 35°C entre 250 et 450 mètres d’altitude (donc une grosse centaine de mètres, en moyenne, au-dessus du sol du Brabant Wallon). Au niveau 850 hPa (1547 mètres), les 25°C pulvérisent également tous les records de température à cette altitude. Par contre, le record n’est pas battu au niveau 700 hPa (10°C à 3203 mètres), ce qui prouve la grande instabilité de l’air.
En surface, cela se traduit par une autre nuit très chaude en de nombreux endroits. À Westdorpe aux Pays-Bas, à quelque deux kilomètres à peine de la frontière belge, un phénomène caniculaire nocturne s’est encore produit peu après 23 heures. En effet, la température qui était déjà « redescendue » jusqu’à 32,7°C, remonte soudain pour redépasser les 35°C à 23h10 et atteindre un pic de 36,2°C à 23h20. À 0h30, on mesure encore 33,4°C, puis la température descend rapidement pour ne plus atteindre que 26,4°C une demi-heure plus tard. Cette pic de chaleur a également été repris – quoique dans une mesure un peu moindre – par quelques stations privées autour de Zelzate en Belgique. 


26 juillet 2019

Si la veille, la situation atmosphérique était encore très nette, avec de hautes pressions à l’est, de basses pressions à l’ouest et un flux très chaud de sud-est à sud sur l’ensemble de notre pays, cette situation devient plus complexe dans les basses couches en ce 26 juillet, avec creux thermiques diffus, lignes de convergence et restants d’outflows orageux de la veille.


Source : KNMI

Le matin, nous avons deux lignes de convergence plus ou moins axées nord-sud, une première sur l’est de la France qui frôle le sud de notre pays, et une seconde sur le centre et le nord de la France, qui aborde l’ouest du pays, puis le traverse rapidement en matinée avant de ralentir et de traîner sur l’est et le nord-est du pays. À cela s’ajoute encore, pour le nord-ouest du pays, le jeu de la brise de mer.

Il en résulte une tripartition de notre pays.

1) Un air torride qui persiste longtemps sur l’est et le nord-est du pays, notamment sur les provinces de Liège et du Limbourg, avec des températures qui dépassent encore 38°C par endroit.
Les vents soufflent d’est à sud-est une bonne partie de la journée et le temps est d’abord beau, avec des cirrus et des altocumulus, parfois castellanus, parfois aussi lenticularis. Mais la ligne de convergence, tout doucement, s’approche quand même et sert en même de temps de rail pour des averses orageuses, dès le tout début de l’après-midi dans les Cantons de l’Est (du côté de Raeren, La Calamine) puis, vers le milieu d’après-midi aussi au Limbourg, et enfin en soirée sur le nord du pays.
La convection est parfois très brusque (cumulus congestus à peine formés explosant en cumulonimbus) et les averses, parfois assez intenses. À Retie, il tombe 16 mm dans le cadre de ces orages, dont 9 mm en une heure.


Convection rapide sur Diepenbeek – Source : IRM

Les températures maximale, encore particulièrement élevées, atteignent 38,9°C à Koersel, 38,4°C à Kleine Brogel, 37,1°C à Diepenbeek et à Genk, mais aussi 35,5°C à Elsenborn et 34,4°C à Spa-la Sauvenière.

2) Des infiltrations maritimes dans la zone à l’ouest de la zone de convergence, liées à des vents d’ouest à nord-ouest dans les basses couches, sous une inversion vers 1000 mètres environ.
Le centre du pays est d’abord encore soumis à des vents d’est chauds, soufflant par rafales, avec par exemple 25,8°C à Uccle à 8 heures, puis 30,0°C à 11 heures. Mais ensuite les vents tournent à l’ouest, puis au nord-ouest et la température baisse d’abord un peu, pour remonter ensuite, mais « seulement » jusqu’à 31,5°C (toujours à Uccle). Avec un taux d’humidité augmentant, cette chaleur est toutefois plus pénible encore, pour certaines personnes, que les 39-40°C de la veille.
À l’ouest de Bruxelles, les vents d’ouest à nord-ouest arrivent un peu plus tôt, à l’est un peu plus tard avec des maxima qui, là, atteignent encore 33 à 36°C.
Le temps est beau, avec cirrus et altocumulus, parfois castellanus, parfois aussi lenticularis, mais en raison de l’inversion, pas de cumulus. Les couches moyennes sont par contre instables, avec des castellanus bourgeonnants.

3) La zone sous l’influence directe de la brise de mer, se fondant au vent général d’ouest à nord-ouest.
Le long de la bande côtière, cette brise de mer se lève dès le matin et reste assez constante tout au long de la journée, avec des vents moyens autour de 20 km/h et de petites rafales à 30 km/h, augmentant jusqu’à 40 km/h en soirée.
Là, le temps est bien rafraîchi, avec des températures le plus souvent proches de 23°C du côté ouest de la côte belge et de 24°C du côté est, et parfois encore quelques bouffées d’air un peu plus chaud. C’est ainsi que le maximum atteint 26,5 à Zeebruges et 25,1°C à Dunkerque, mais seulement 24,3°C à Middelkerke. Cette fraîcheur marine pénètre assez loin à l’intérieur des terres et est encore bien perceptible à Dixmude, Gistel et Bruges, où les maxima restent largement inférieurs à 30°C.Le ciel n’est pas très différent de celui du centre du pays, avec cirrus et altocumulus, souvent floccus et castellanus.


Webcam MeteoBelgique de Bredene à 14 heures

En soirée, un peu d’activité orageuse est également observée sur l’extrême ouest du pays et durant la nuit, aussi sur le centre-est. En fin de nuit, des orages français pénètrent dans le sud-ouest de la Belgique tandis que des foyers éclatent aussi à nouveau sur l’est. 


Les jours suivants

Le 27 juillet contraste très fort avec les jours précédents, non seulement au niveau des températures, mais aussi des précipitations. En termes de températures, les maxima sont carrément de 20 degrés plus bas par rapport à ceux de deux jours plus tôt. En termes de précipitations, plusieurs valeurs remarquables sont relevées sur le réseau pluviométrique, plus particulièrement sur le centre et le centre-est du pays.

Quelques températures maximales du 27 juillet (entre parenthèse, valeurs du 25 juillet) :
Bierset : 19,6°C (39,5°C)
Dourbes : 20,0°C (39,8°C)
Beauvechain : 20,0°C (40,1°C)
Ernage : 20,3°C (39,2°C)
Zaventem : 20,5°C (40,2°C)
Chièvres : 20,5°C (40,4°C)

Et quelques valeurs de précipitations (sur 24 heures) du 27 juillet :
Gorsem : 58,2 mm
Zaventem : 43,0 mm
Gembloux : 41,5 mm
Strée (Huy) : 39,5 mm
Beauvechain : 38,0 mm

Pendant ce temps, la bulle d’air chaud est remontée sur la Scandinavie. Les températures flirtent avec les 35°C même au-delà du cercle polaire. En Norvège, Saltdal affiche 34,6°C à 67 degrés de latitude nord. En Suède, à pratiquement la même latitude, Kvikkjokk note 33,1°C. Plus près de nous, les températures continuent à dépasser les 30°C sur une bonne moitié nord-est des Pays-Bas.
Le 28 juillet, les températures baissent encore un peu sur la Belgique, avec des maxima désormais souvent inférieurs à 20°C même en plaine, pendant que des poches d’air chaud persistent encore sur les Pays-Bas avec plus de 30°C. La chaleur persiste aussi en Scandinavie, avec 33-35°C dans certains fjords norvégiens. À Mosjøen, non loin du cercle polaire (65°50’N), on relève 34,8°C.


Fjord de Geiranger (Norvège) écrasé de chaleur le 28 juillet à 16h29
Source : Geiranderfjord Cruise Port


Conclusion

Cette vague de chaleur, par son intensité, est inédite pour la Belgique. Non seulement, les 40°C y sont atteints pour la première fois, mais ils sont même atteints sur une large portion du territoire. Il est inutile de dire que les 41,8°C de Begijnendijk et les 41,6°C de Houyet sont uniques dans notre histoire climatologique.
C’est surtout l’intensité de la vague de chaleur de juillet 2019 qui est frappante. Cette valeur, calculée à partir des degrés-jours, a été de 6,97, ce qui en fait la vague de chaleur de loin la plus intense. La seconde valeur, d’août 2020, n’a été que de 4,77. En contrepartie, avec une durée de 5 jours seulement, la vague de chaleur de juillet 2019 est très brève, ce qui fait que son poids (intensité X durée), avec une valeur de 34,7, n’a rien d’exceptionnel. Sur ce paramètre, c’est la valeur de la vague de chaleur de 1976, avec 90,0, qui reste jusqu’à ce jour la plus élevée.

Deux autres coups de chaleur, concernant toute la Belgique, ressemblent à celui de juillet 2019, mais sous une forme un peu moins extrême.
Le 27 juin 1947, la température est montée jusqu’à 38,7°C à Haacht ; 38,1°C à Gembloux ; 38,0°C à Kalmthout et à Gerdingen (Bree) ; 37,7°C à Virton ; 37,0°C à Rochefort et 36,8°C à Uccle.
Le 19 juillet 2022, les 40°C sont atteints pour la deuxième fois en Belgique, mais cette fois-ci, juste à une station avec 40,0°C tout juste à Kapelle-op-den-Bos. Sinon, on relève 39,8°C à Begijnendijk et 39,5°C à Rhode-Saint-Pierre (Aerschot). À Uccle, à ce moment-là, on observe 38,1°C.
Au regard de la saison (juillet étant un peu plus chaud que juin), on peut considérer ces deux pics de chaleur, 1947 et 2022, comme équivalents.
D’autres pics de chaleur (extrême) n’ont concerné qu’une partie du pays. Ils ne se reflètent notamment pas dans les statistiques de la station de référence : Uccle.
23 août 1944
38,0°C à Bressoux
37,5°C à Borgoumont

6-8 août 2003
38,6°C à Aubange et à Torgny (le 8)
38,5°C à Han-sur-Lesse (le 7)
38,0°C à Wasmuel (le 6)

2 juillet 2015
38,8°C à Liège-Monsin
38,3°C à Rochefort
38,1°C à Liège-Angleur et à Kleine Brogel
38,0°C à Kessenich et à Ophoven

27 juillet 2018
38,8°C à Hechtel-Eksel
38,5°C à Kapelle-op-den-Bos
38,4°C à Bassevelde
38,2°C à Zelzate

La vague de chaleur de 1976, quant à elle, a surtout été remarquable par sa longueur, mais beaucoup moins par ses pics de chaleur, souvent limités à 35°C en plaine. Ici et là, des valeurs plus élevées ont été relevées, comme à Meeuwen avec 37,6°C le 3 et 37,7°C le 16, et 37,5°C à Ramegnies le 3. On retiendra surtout, de l’été 1976, la très longue série de jours de chaleur consécutifs, souvent de 15 à 16 en Basse et Moyenne Belgique.

Enfin pour être complet, signalons le vent fort et très chaud qui a déferlé sur la Belgique le 28 juillet 1921. Voici ce qu’en disait le journal La Libre Belgique de l’époque : « Un vent de Sahara a passé jeudi soir sur Bruxelles, nous apportant soudain ses bouffées brûlantes. Aussitôt les consommateurs désertèrent les terrasses des cafés ! La fraîcheur était à l’intérieur ! Puis tournèrent les girouettes et vers 8h30, un vent plus frais soulevait des tourbillons de poussière un peu moins irrespirables. »
Selon les mesures de ce temps-là, on aurait atteint 38,4°C à Huy ; 37,6°C à Pâturage et 37,4°C à Thimister. À Bruxelles, malgré la grande chaleur ressentie, la température n’a pas dépassé 35°C.
En d’autres termes, il est clair que même si d’intenses coups de chaleur ont toujours existé, celui du 25 juillet 2019 a dépassé tout ce qu’on a connu auparavant.


Sources :

IRM Données de températures, précipitations, etc.
Météo-France Données de températures, précipitations, etc.
KNMI Cartes météorologiques
Belgorage Étude des orages
Infoclimat Données de températures, précipitations, etc.
Météo-Paris Données de températures, précipitations, etc.
Kachelmann Wetter Données de températures, précipitations, etc.
University of Wyoming Sondages atmosphériques

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