Irma, un ouragan d'exception ?
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- Publication : samedi 9 septembre 2017 09:08
- Écrit par : Philippe Mievis
Après l'ouragan majeur Harvey qui a touché le Texas en fin août, avec un bilan d'une quarantaine de morts et des dégâts estimés à 58 milliards de dollars, consécutifs aux vents mais surtout aux précipitations record qui se sont abattues sur l'Etat du Texas, c'est à présent au tour de l'Ouragan Irma de menacer le territoire américain et plus particulièrement l'Etat de Floride, ouragan encore plus fort que son prédécesseur, avec une gradation de 5 sur l'échelle de Safir Simpson, la plus haute, après avoir semé ruines et désolation dans les iles des Caraïbes, Saint Barthelemy et St Martin, entre autres.
L'ouragan Irma défraye la chronique actuellement et s'annonce comme un ouragan d'exception. Nous présenterons ici dans cet article quelques rappels sur la notion d'ouragan nous analyserons cet ouragan qui s’apprête à toucher la Floride. Enfin, nous nous interrogerons sur l'effet du changement climatique sur le comportement de cet ouragan en particulier et de,l'activité cyclonique du bassin atlantique de ces dernières années en général.
Quelques rappels et définitions
Un cyclone tropical en météorologie, est un type de cyclone (dépression) qui prend forme dans les océans de la zone intertropicale à partir d'une perturbation qui s'organise en dépression tropicale puis en tempête. Son stade final est connu sous divers noms à travers le monde : ouragan dans l'Atlantique Nord et le Pacifique Nord-Est (1), typhon en Asie de l'Est (2) et cyclone dans les autres bassins océaniques (3). (source : Wikipedia).
Les cyclones tropicaux sont le phénomène météorologique le plus dangereux, par les vents dévastateurs qu'ils peuvent générer et par les précipitations intenses qui en découlent, voire aussi par les fortes vagues et ondes de tempêtes destructrices des zones côtières.
Dans cet article, nous ne nous intéresserons qu'aux ouragans atlantiques, c'est de cette catégorie que dépend les ouragans Harvey, Irma pour ne citer que les deux ouragans majeurs qui ont concerné le bassin atlantique en cette année 2017.
Les ouragans atlantiques peuvent être classés en 5 catégories selon la vitesse de vent : c'est l'échelle de Safir-Simpson : sur le schéma ci-dessous sont expliqués les seuils et les caractéristiques de chaque classe.
Avant de se transformer éventuellement en ouragan, la première étape du phénomène est la dépression tropicale. Ensuite, si le phénomène s'intensifie, on parlera de tempête tropicale. C'est à ce moment, que, par convention, on nomme les ouragans.
En effet, à partir de 1950, le Bureau météorologique américain a décidé d’attribuer des noms aux ouragans en leur attribuant des prénoms féminins, bien souvent d'ailleurs ceux des épouses ou des petites-amies des météorologues. Mais en 1979, plusieurs mouvements féministes on dénoncé cette pratique, parce qu’elle associait une catastrophe à un prénom de femme. Depuis, les ouragans sont nommés en alternance avec des prénoms masculins des prénoms féminins.
Dans l'Atlantique Nord, la saison des ouragans commence grosso modo le 1er août pour se terminer le 1er novembre, même s'il arrive que des ouragans aient lieu avant ou après cette date. C'est aux environs du 10 septembre que la probabilité d'avoir un ouragan dans l'Atlantique Nord est la plus forte.
En ce qui concerne le trajet classique d'un ouragan, il prend naissance dans la zone tropicale au large de l'Afrique, pour évoluer et se développer dans la zone tropicale nord de l'océan Atlantique : il y rencontre en effet les ingrédients nécessaires pour son évolution et son développement : des masses d'eau de mer aux températures de surface supérieures à 26-27°C et la force de Coriolis nécessaire, qui peut se faire qu'au delà de 10° de latitude. Il faut un temps calme, sans cisaillement de vents et des conditions propices à la convection.
En arrivant aux voisinages des Caraïbes ou des côtes américaines, le système est en général à sa maturité et prendra une direction nord; généralement au large des USA avant de prendre une direction Ouest et de progressivement disparaître, l'eau de surface de l'océan à cette latitude n'est plus suffisante pour alimenter le système. De fait il n'est pas rare que des restes d'ouragan très affaiblis arrivent au continent européen, généralement repris dans la circulation des perturbations dépressionnaires atlantiques classiques.
Mais il arrive fréquemment que les ouragans atteignent les terres, dans les Caraïbes, Haîti, Cuba, Saint Domingue, mais aussi le Mexique ou les USA. La force de l'ouragan diminue fortement une fois qu'il atteint la terre, n'ayant plus aucune source d'énergie pour l'entretenir mais quand il est à son maximum d'activité juste avant de toucher terre, les dégâts seront considérables.
On se souviendra, par exemple du passage des ouragans Katrina (l’un des ouragans les plus puissants des États-Unis, qui a fait 1836 morts en 2005) et Sandy (210 morts en 2012), Actuellement, c'est l'ouragan Irma qui menace Haïti et Cuba, qu'il va frôler, mais aussi et surtout la Floride, qui risque bien de recevoir l'ouragan de plein fouet.
L'ouragan Irma, un ouragan record ?
L'ouragan Irma, quels que soient les dégâts qu'il va générer les prochains jours restera dans les annales avec plusieurs records ou tout au moins des valeurs remarquables à son actif.
Irma est devenu ce 9 septembre 2017 le 1e ouragan de catégorie 5 le plus durable sur l’Atlantique (3,25 jours). De plus, avec les ouragans Irma, Jose et Katia, le bassin Atlantique a enregistré le 7 septembre son record d’énergie cyclonique cumulée (ACE) depuis 1900, battant de très peu le précédent record du 11 septembre 1961. C'est également l'ouragan le plus puissant à se développer dans l'Atlantique nord depuis Hugo en 1989 et par la vitesse de ses vents soutenus (295 km/h) depuis Allen en 1980.
Trois cyclones majeurs sur l'Atlantique Nord n'est pas courant, la dernière fois que cela avait eu lieu, ce fut en 2010, le 16 septembre. A l'époque ce furent les ouragans Igor, Julia et Karl. A noter qu'il s'agissait des mêmes initiales que ceux qui nous concernent aujourd’hui.
Un effet du réchauffement climatique ?
Il faut toujours être extrêmement prudent lorsqu'on associe un événement ponctuel au changement climatique. La variabilité du climat fait qu'ily a toujours eu des événements extrêmes. Par contre, si la fréquence ou l'intensité de ces phénomènes augmentent avec le temps, on est en droit de se poser des questions.
Quand on regarde l'évolution du nombre d'ouragans depuis 50 ans, on peut voir une augmentation très nette à partir de 1995 jusqu'en 2005 environ. Après, on remarque un tassement voire une diminution de ce nombre. Le même constat vaut d'ailleurs pour le nombre d'ouragans extrêmes (catégorie 3 et au delà).
Cela voudrait-il dire que le changement climatique n'a pas d'effet sur la fréquence et l'intensité des ouragans ? Non, ce serait aller beaucoup trop vite.
Nous avons eu des phénomènes "El Niño" intenses ces dernières années, ce qui a eu comme résultat d'annihiler la genèse des ouragans atlantique. Un autre facteur annihilant de ces dernières années fut la présence, au large de l'Afrique tropicale, de quantités importantes de sables sahariens. Or ces deux facteurs peuvent être quant à eux une conséquence du changement climatique.
Mais l'élément objectif de l'ACE (voir graphique plus haut dans la page), l'énergie cyclonique accumulée est interpellante : deux des trois plus grands scores furent ceux de 2017 et 2010, années récentes. Or qu'est ce qui donne de l'énergie aux systèmes cycloniques ? La chaleur et l'humidité, conséquence directe du réchauffement climatique.
Plus directement, si on regarde sur la carte ci-dessous de l'écart à la normale des SST (températures des eaux de surface de l'océan) et la trajectoire actuelle et prévue d'Irma (puis de son successeur José), on remarque que les ouragans vont passer sur des zones aux eaux aux températures plus chaudes que la moyenne, ce qui a - et va encore - boosté(er) l'intensité des systèmes cycloniques. Or, avec le réchauffement climatique, on remarque que ces zones restent quasiment constamment en excédent thermique par rapport à la norme, ce qui est loin d'être rassurant pour l'avenir.