Vague de froid : Dossier explicatif
- Détails
- Publication : jeudi 20 janvier 2005 00:00
- Écrit par : Philippe Mievis
Qu’est ce qu’une vague de froid ? Définition.
Une vague de froid peut être caractérisée par une chute brutale et importante de la température de l’air. S’ensuit alors une période froide qui s’étend sur une période relativement longue, de quelques jours à plusieurs semaines.
St Idesbald en janvier 1997 - Photo : E. Hermans
Vague de froid :
Période durant laquelle la température minimale journalière est restée inférieure à –2°C au moins
7 jours consécutifs et durant laquelle au moins l'une des conditions ci-dessous est remplie :
- soit le minimum de cette période est descendu au moins deux fois sous la barre des –7°C
- soit les maxima sont restés durant 3 jours de la période sous la barre des 0°C
(station de référence : Uccle, relevés à 8h du matin).
Remarque importante : tout récemment, l'IRM a défini la vague de froid en reprenant la définition donnée par le KNMI (Institut météorologique des Pays-Bas) :
"Une vague de froid est définie par l'IRM comme étant une période d'au moins 5 jours consécutifs lors desquel les maximas ne dépassent pas les 0°C, et lors desquels les minimas sont inférieurs à -10°C au moins à trois reprises durant la période considérée."
Nous trouvons cette définition beaucoup trop restrictive. Même certaines de nos vagues de froid majeures ne seraient pas considérées comme des vagues de froid selon ces critères.
Relevé exhaustif des vagues de froid répondant à cette définition depuis 1950.
- La date de début et de fin (premier et dernier jour de gel correspondant à cette période).
- La durée : le nombre de jours de la vague de froid.
- Le poids : en degrés jours avec -2°c de température minimale comme référence : une température minimale de –3.1 aura un poids de –2 – (-3.1) = 1.1
On fait la somme de ces degrés jours pour toute la période répondant à la définition de vague de froid. - L’intensité : ou le poids par rapport à durée : des vagues de froid peuvent être longues et modérées, d’autres courtes mais intenses. Ce paramètre nous permettra d’avoir un indicateur intéressant à ce niveau.
- La température minimale enregistrée durant cette vague de froid.
Ete | Période | Durée | Poids | Intensité | T° min |
1950 | du 19 JAN au 31 JAN | 13 | 75.6 | 5.82 | -10.1 |
1951 | du 13 DEC au 1 JAN | 20 | 81.2 | 4.06 | -16.7 |
1954 | du 22 JAN au 10 FEB | 20 | 129.7 | 6.49 | -14.8 |
1955 | du 10 FEB au 15 MAR | 34 | 89.1 | 2.62 | -11.2 |
1956 | du 31 JAN au 29 FEB | 30 | 261.9 | 8.73 | -16.7 |
1960 | du 8 JAN au 18 JAN | 11 | 59.8 | 5.44 | -11.8 |
1962 | du 17 DEC au 29 DEC | 13 | 64.5 | 4.96 | -10.7 |
1963 | du 22 DEC au 4 MAR | 73 | 357.6 | 4.90 | -16.8 |
1964 | du 3 DEC au 26 DEC | 24 | 69.6 | 2.90 | -12.3 |
1965 | du 19 DEC au 30 DEC | 12 | 33.5 | 2.79 | -11.0 |
1966 | du 4 JAN au 21 JAN | 18 | 77.5 | 4.31 | -13.4 |
1967 | du 2 JAN au 11 JAN | 10 | 21.4 | 2.14 | -9.0 |
1968 | du 8 JAN au 14 JAN | 7 | 40.4 | 5.77 | -11.0 |
1969 | du 6 DEC au 16 DEC | 11 | 28.8 | 2.62 | -9.5 |
1969 | du 8 FEB au 20 FEB | 13 | 39.2 | 3.02 | -10.2 |
1971 | du 22 DEC au 7 JAN | 17 | 66.2 | 3.89 | -9.6 |
1971 | du 27 FEB au 10 MAR | 12 | 38.5 | 3.21 | -10.4 |
1974 | du 26 NOV au 4 DEC | 9 | 20.0 | 2.22 | -10.1 |
1976 | du 24 JAN au 8 FEB | 16 | 43.9 | 2.74 | -9.6 |
1978 | du 8 FEB au 22 FEB | 15 | 34.3 | 2.29 | -8.1 |
1979 | du 31 DEC au 29 JAN | 30 | 102.3 | 3.41 | -13.9 |
1979 | du 15 FEB au 27 FEB | 13 | 28.1 | 2.16 | -7.2 |
1980 | du 10 JAN au 20 JAN | 11 | 39.0 | 3.55 | -7.8 |
1982 | du 6 JAN au 16 JAN | 11 | 60.7 | 5.52 | -11.8 |
1982 | du 9 DEC au 28 DEC | 20 | 25.7 | 1.29 | -8.1 |
1985 | du 2 JAN au 21 JAN | 20 | 149.7 | 7.46 | -16.3 |
1985 | du 9 FEB au 21 FEB | 13 | 92.9 | 7.15 | -11.9 |
1986 | du 5 FEB au 5 MAR | 29 | 137.3 | 4.73 | -10.5 |
1987 | du 7 JAN au 3 FEB | 28 | 114.1 | 4.08 | -13.5 |
1991 | du 23 JAN au 21 FEB | 30 | 80.4 | 2.68 | -13.1 |
1993 | du 26 DEC au 5 JAN | 11 | 37.3 | 3.39 | -8.4 |
1994 | du 13 FEB au 23 FEB | 11 | 27.3 | 2.48 | -8.0 |
1996 | du 18 JAN au 12 FEB | 24 | 35.5 | 1.48 | -8.3 |
1997 | du 21 DEC au 16 JAN | 27 | 126.9 | 2.70 | -14.1 |
1999 | du 17 NOV au 26 NOV | 10 | 21.9 | 2.19 | -7.4 |
1999 | du 8 FEB au 16 FEB | 9 | 19.1 | 2.12 | -7.3 |
2006 | du 23 JAN au 4 FEB | 13 | 33.4 | 2.57 | -7.2 |
2009 | du 26 DEC au 12 JAN | 18 | 80.0 | 4.44 | -12.8 |
2010 | du 14 DEC au 24 DEC | 11 | 37.5 | 3.41 | -10.9 |
2010 | du 1 JAN au 15 JAN | 15 | 38.8 | 2.59 | -8.2 |
2011 | du 27 NOV au 28 DEC | 32 | 41.0 | 1.28 | -8.0 |
2012 | du 29 JAN au 13 FEB | 16 | 95.6 | 5.99 | -13.0 |
2013 | du 11 JAN au 26 JAN | 16 | 42.9 | 2.69 | -9.3 |
2018 | du 18 FEB au 4 MAR | 15 | 31.5 | 2.10 | -8.7 |
2021 | du 7 FEB au 14 FEB | 8 | 42.0 | 5.25 | -8.6 |
Toutes ces données ont été reprises dans le graphique ci-dessus.
Nous y retrouvons en abscisse les années depuis 1950 jusqu'à 2020 et en ordonnée le nombre de jour de la période de la vague de froid. La taille des sphères (une par vague de froid) est proportionnelle au poids de la vague de froid tel que défini auparavant.
Huit de ces vagues de froid ont ainsi un poids supérieur à 100 : elles sont en rouge sur le graphique, avec indication des années correspondantes.
Sur base du graphique, nous pouvons déjà faire quelques constatations :
1. La vague de froid de 1963 est tout à fait exceptionnelle, par sa durée d'abord, son poids ensuite. Avec une durée de 73 jours, elle est bien loin devant toutes les autres.
A part cette vague de froid de 1963, aucune autre vague de froid n'a dépassé 35 jours.
2. Toutes les autres vagues de froid remarquables avaient une période comprise entre 20 et 30 jours consécutifs.
3. Les périodes de froid les plus intenses se regroupent souvent autour de trois années consécutives : 1954-55-56, 1985-86-87 et dans une moindre mesure : 1962-63-64, 1978-79-80, 1996-97-98.
4. On remarque aussi des "trous" de plusieurs années sans vague de froid (ou très faibles) :
- 1952 - 1953
- 1957 - 1959
- 1973 - 1977 (1974 et 1976 très faibles)
- 1983 - 1984
- 1988 - 1990
- 1998 - 2005 (1999 très faible)
- 2007 - 2008
- 2014 - 2021 (2018 et 2021 très faibles)
Comment survient une vague de froid ?
En Belgique, l'arrivée d'une vague de froid se fait soit par le Nord, soit par le Nord-Est, soit par l'Est, à partir d'une zone de concentration importante d'air froid.
Une vague de froid typique est une invasion d'air froid par le Nord-Est (Scandinavie, voire régions plus septentrionales encore), alimenté secondairement par des courants continentaux d'Est, à partir de régions ayant déjà été refroidies depuis quelques temps auparavant (Europe de l'Est ou Russie).
Banquise sur la côte belge en janvier 1997.
1. Une phase de refroidissement, appelée aussi phase advective froide. Cette phase ne dure que 2-3 jours seulement.
2. Une phase d'autoalimentation de ce froid, appelée aussi phase radiative. La durée de cette phase est fort variable, de quelques jours à quelques semaines. C'est la durée et la force de cette phase dont va dépendre l'intensité de notre vague de froid.
3. Une phase de réchauffement, la phase advective chaude. Cette phase peut être très rapide, d'une durée inférieure à 24h, ou durer aussi quelques jours.
Or ce n'est pas souvent le cas. Les épisodes neigeux en Belgique ont souvent lieu lors de passage de perturbations dans des flux polaires de Nord. Mais les températures sont à ce moment souvent proches du 0°C. Les températures ne se maintiennent généralement pas longtemps à ces valeurs en Basse et Moyenne Belgique et seule la Haute Belgique garde une couche de neige, alors qu'ailleurs elle fond rapidement.
Cependant la neige peut également arriver lors d'une vague de froid, avec comme conséquence un enneigement de plus longue durée.
La neige peut nous arriver lors des trois phases pré-citées, avec à chaque fois un scénario complètement différent.
Lors de la phase advective froide, les précipitations peuvent ainsi se transformer progressivement de la pluie en neige fondante puis en neige, au fur et à mesure de l'invasion de l'air froid. Cette invasion d'air froid peut aussi parfois réactiver une zone de précipitations en refroidissant les masses d'air qui la composent et donner lieu à des précipitations importantes. Ce fut le cas lors de la vague de froid de 1985, et dans une certaine mesure celle de 1979, même si cette dernière est assez particulière, nous le verrons lors la présentation détaillée.
Situation synoptique exceptionnelle du dernier jour de 1978.
La phase radiative est généralement très sèche et très froide, avec des températures qui peuvent descendre à des valeurs exceptionnellement basses. La présence d'air froid est généralement associée à un anticyclone très puissant, comme le fameux "Paris-Moscou". Ce dernier nous protège des entrées maritimes douces, mais aussi de toute forme de précipitations. Quelques flocons de neige en grain pourront être observés lors de journées grises sous inversion thermique. L'exemple typique de cette situation fut février 1986.
Cependant, il arrive parfois que des dépressions remontent de la Méditerranée et entrent en contact avec le flanc sud de l'anticyclone. Le contact entre l'air humide de la dépression et l'air très froid de l'anticyclone vissé sur nos régions amène des précipitations hivernales localement très importantes. Très importantes et localement parce que ces dépressions sont littéralement arrêtées par l'anticyclone et "se vident" sur place. C'est pourquoi en janvier 1987, Nice, puis Paris, ont été complètement paralysées par la neige, alors que Bruxelles n'a pas vu le moindre flocon. Une situation similaire a été rencontrée en 1997, même si là, l'Ouest de notre pays a connu quelques précipitations neigeuses.
Remontée de la dépression méditerranéenne le 14 janvier 1987 : Neige sur tout
le sud de la France et Nice bloqué sous la neige. La Belgique sera épargnée.
Lors de la phase advective de réchauffement, la neige peut aussi faire son apparition si cette phase n'est pas trop rapide. L'arrivée d'un front chaud d'une dépression océanique, au contact de l'air froid peut donner ainsi des quantités importantes de neige en très peu de temps. Malheureusement il s'agit là du chant du cygne de la vague de froid et quelques heures plus tard, de la pluie, précédée éventuellement de neige fondante, avec augmentation graduelle en continu de la température nous attend. Un bel exemple de ce type est la fin de la vague de froid de février 1986. Parfois la pluie peut directement tomber sur un sol encore gelé occasionnant un verglas mémorable comme en fin de vague de froid en 1979.
Les différents acteurs climatiques et centres d'actions atmosphériques nécessaires.
Plusieurs acteurs de haute et basse pression jouent un rôle important lors d'une situation hivernale donnée :
- l'Anticyclone polaire et ses ramifications sur le Groenland.
- la Dépression islandaise.
- l'Anticyclone des Açores.
- les Dépressions atlantiques.
- l'Anticyclone de Sibérie.
- la Dépression méditerranéenne.
Les anticyclones jouent un rôle majeur, les dépressions complètent le tableau comme des acteurs de second rôle.
En effet, en hiver, ce sont les hautes pressions qui dominent la scène, ce qui s'explique par la règle suivante :
L'air froid pèse plus lourd que l'air chaud et aura donc tendance à créer une haute pression. Si cette haute pression se place sur l'Europe, elle aura tendance à amener de l'air froid sur son flanc sud, ce qui l’auto-alimentera : c'est pourquoi les zones de hautes pressions peuvent se maintenir longtemps en hiver et la durée d'une vague de froid peut dès lors se prolonger plusieurs semaines.
La mise en place d'une vague de froid déprendra du placement des anticyclones cités ci-dessus.
La position de l'anticyclone des Açores, couplé à la position de la dépression islandaise, joue un rôle dynamique de premier ordre : c'est d'ailleurs sur leurs placements respectifs qu'est calculé l'indice NAO (North Atlantic Oscillation).
Cet indice est calculé à partir de la différence de pression entre Lisbonne (Portugal) et Reykjavik (Islande), en prenant l'anomalie de pression (écart à la moyenne) normalisée (divisée par l'écart-type de la pression).
Selon la valeur de cet indice, les dépressions atlantiques pourront ou non atteindre l'Europe. Lors d'un indice NOA négatif, les conditions sont telles que les dépressions atteignent difficilement l'Europe. Cette situation est donc plus propice à la mise en route d'une vague de froid sur notre continent.
Situation de NAO négative
Situation de NAO positive
Source : http://www.intellicast.com/DrDewpoint/
Les deux autres anticyclones, à savoir le polaire avec sa ramification groenlandaise et l'anticyclone de Sibérie sont des anticyclones thermiques. Ils apparaissent en hiver suite à la présence d'air très froid sur ces régions. De leur présence et de leur force va dépendre l'arrivée ou non d'une vague de froid. L'indice AO (Arctic Oscillation) est un bon indicateur de la force de l'anticyclone polaire.
Les dépressions méditerranéennes occupent une place à part. Durant l'hiver, elles jouent un rôle important dans la dynamique des vagues de froid car elles attirent vers elles l'air froid du continent. Ces dépressions jouent également un rôle dans des épisodes neigeux sur le flanc sud de l'anticyclone, comme expliqué ci-dessus.
Peut-on prévoir une vague de froid dans une prévision saisonnière ?
Il y a deux éléments de réponse, les deux étant liés :
- Tous les 23 ans en moyenne, il est courant de voir deux ou trois hivers rudes (avec des vagues de froid particulièrement marquées) en suivant : 2009 - 1986 - 1963 - 1940 - 1917... Les anciens se souviennent des durs hivers de la seconde guerre mondiale, le terrible hiver de 1963 suivi d'un 1964 relativement froid aussi et les trois hivers du milieu des années 80 : 85, 86 et 87. Ces dernières années, nous avons eu 2009, 2010 et 2011.
Ce cycle s'expliquerait par la concordance avec les minima d'activité solaire, mais une fois sur deux, puisque le cycle d'activité dure 11-12 ans (en fait le véritable cycle solaire dure bien 23 ans; il y a chaque fois une alternance de la polarité des taches solaires à chaque reprise d'activité solaire).
Vague de froid, hiver rude... Et réchauffement global ?
Les hivers 2009, 2010, 2011 et 2012 feraient donc partie d'un cycle d'hivers froids (et neigeux), et, réchauffement ou pas, il y aura toujours des hivers plus doux et d'autres plus froids, même si le réchauffement climatique va rendre ceux-ci de moins en moins froids. C'est d'ailleurs ce qu'on observe déjà : quand on compare les hivers de ce fameux cycle, ceux des hivers des années 85 et suivantes, le terrible hiver de 1963 (très long où l'on a même eu des banquises sur notre littoral qui dépassaient plusieurs mètres de haut (voir photo)), les hivers du début de la dernière guerre, on remarque que les hivers de la période 2009-2012 sont quand même nettement moins rudes que leurs aînés.
et particulièrement lors de ce fameux hiver 1963, elle-ci a atteint une hauteur de plusieurs mètres !
Photo, edo, gallerie photo de MeteoBelgique.
Alors, oui, ces hivers, même s'il étaient froids, le réchauffement est sensible. Ces hivers auraient pu (dû ?) être bien plus rudes encore...
Cet article fait partie d'une étude présentée par MeteoBelgique lors du XIXe colloque international de Climatologie, en septembre 2006, complété ensuite avec les derniers éléments climatiques de ces dernières années.
Quelques vagues de froid mémorables sont présentées dans le dossier "Vagues de froid" :
Premier bilan de la vague de froid 2009
Bilan de l'épisode froid de Février-Mars 2005
Bilan de la vague de froid de Janvier 1997
Bilan de la vague de froid de Février 1991
Bilan de la vague de froid de janvier 1987
et dans le dossier "Climat d'hier et d'aujourd'hui" :
Décembre 2010 : le mois de la neige
L'hiver 1984-1985 : un hiver très dur
L'hiver 1981-1982 : un hiver très particulier
L'hiver 1978-1979 : un hiver impressionnant
Novembre 1973 : un enneigement exceptionnel ?
Février 1956 : le plus froid mais pas le plus neigeux en Belgique