Le terrible mois de décembre 1788
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- Publication : mardi 26 novembre 2019 08:18
- Écrit par : Philippe Mievis
Introduction
Un mois de décembre froid, pour la plupart d’entre nous, est perçu comme un événement positif, d’autant plus que cette idée de décembre froid est souvent associée à la neige. Et quoi de plus beau qu’une période de Noël sous la neige ? Qui ne se souvient pas du mois de décembre 2010, où le pays entier était sous la neige une bonne partie du mois, voire tout le mois pour certaines régions, avec un splendide Noël blanc à la clé (voir notre article ici).
Décembre 2010 : un mois de neige, avec le plus beau Noël blanc depuis 1964, comme ici à la Grand-Place de Bruxelles.
Photo : Robert Vilmos.
Mais il existe des décembres froids qui ne font plaisir à personne : des mois de décembre glaciaux mais sans neige, brumeux et gris ou alors venteux et insupportables. Les derniers exemplaires remontent à 1933 et surtout à 1890, mois glacial par excellence, pourtant presque sans neige.
Mais le pire de tous est décembre 1788. Pour le ressenti, en raison du vent, c’est sûrement le mois de décembre le plus froid sur 300 ans, voire sur 1000 ans. Au niveau des températures réelles, ce mois entre en compétition avec décembre 1879, avec lequel il doit être plus ou moins ex-aequo. En 1879 toutefois, à température égale, le froid était bien moins pénible.
Avant de détailler ce mois sur le plan climatologique, nous allons le replacer dans le contexte de l’époque.
Un peu d’histoire
Le territoire belge, en décembre 1788, appartenait en grande partie aux Pays-Bas autrichiens, mais plus pour très longtemps. La révolution brabançonne, qui grondait depuis 1787 en raison de mesures centralisatrices prises par l’empereur autrichien Joseph II, arrivera à ses fins le 7 janvier 1790 par la proclamation des « États-Belgiques-Unis » (eh oui ! La Belgique a déjà eu une existence avant 1830 !). Malheureusement, ces États-Belgiques-Unis ne font pas long feu. Le 10 décembre de la même année 1790, le régime autrichien est déjà rétabli : la « première restauration autrichienne ».
Dans les années qui suivent, la Belgique est le théâtre d’affrontements entre la France et l’Autriche, avec la prise de Bruxelles par les Français le 14 novembre 1792 et un rattachement à la France proclamé le 1er mars 1793. Mais les Autrichiens reviennent bientôt (« seconde restauration autrichienne », avant d’être chassés définitivement par les Français en 1794.
Unités de mesure et instrumentation de l’époque
Au niveau de la géographie, l’unité utilisée pour les distances étaient la lieue (3,898 km à l’époque pour la « lieue de Paris », 1674-1793), et pour les hauteurs et altitudes, le pied. De nos jours, des mesures en pieds existent toujours dans de nombreux pays anglo-saxons ainsi que dans le monde de l’aviation. Ce pied anglais équivaut à 30,48 cm. Au fil du temps, de très légères différences sont apparues entre le pied anglais et le pied américain (respectivement 30,4799472 cm et 30,4800601 cm) avant une standardisation intervenue en 1959 et ramenant ce pied à très exactement 30,48 cm.
Au 18e siècle, il existait des « pieds » bien différents. En France, entre 1668 et 1799, on utilisait le « pied du roi », qui correspondait à 32,48 cm. Ce qui revient à dire que les pieds français étaient plus grands que les pieds anglais...
Avant 1668, on avait utilisé l’« ancien pied de roi », qui équivalait à 32,65 cm.
À côté de cela, nous avons encore le « pied de Saint-Lambert », qui avait cours dans la Principauté de Liège et qui valait 29,18 cm.
Si nous ne savons pas exactement sur quel pied danser pour les mesures effectuées à Bruxelles en 1788, nous pouvons pourtant partir du principe que les différences ne sont pas si énormes que cela, et que les indications que nous possédons sur l’endroit où l’Abbé Mann réalisait à l’époque ces mesures – « la partie élevée de la ville, à la hauteur de 164 pieds au-dessus du lit de la Senne et à 20 pieds au-dessus du sol », nous permettent de relativement bien les situer sur le plan géographique.
Nous pouvons donc affirmer sans grand risque d’erreur que les 164 pieds en question correspondent à une bonne cinquantaine de mètres. Les parties les plus basses de la ville se trouvant vers les 16-17 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la mer, le lieu d’observation doit se situer vers les 70 mètres, ce qui correspond environ à l’altitude de l’actuel Palais Royal ou encore de l’actuelle Porte Louise.
La hauteur du thermomètre au-dessus du sol (20 pieds) est, quant à elle, bien plus élevée que celle pratiquée par l’ancien Observatoire Royal de Bruxelles qui était, jusqu’à 1878, de 10 pieds au-dessus du sol. Le point commun, par contre, c’est qu’il s’agit de mesures sans abri quelconque, sur la façade nord d’un immeuble. Nous reviendrons encore sur la manière d’interpréter ces données par rapport aux mesures actuelles.
Les unités utilisées à l’époque étaient les degrés Réaumur et les degrés Fahrenheit. Les degrés Réaumur étaient surtout utilisés en France et correspondaient à 0,8°C. En d’autres termes, le point d’ébullition de l’eau, sur cette échelle était de 80°C tandis que le point de congélation y était de 0°C comme sur l’échelle de Celsius. Les degrés Fahrenheit étaient surtout utilisés aux Pays-Bas (Provinces-Unies de l’époque) et correspondent à l’échelle encore actuellement utilisée dans bon nombre de pays anglo-saxons (32°F = 0°C ; 212°F = 100°C).
Dans nos contrées, à l’époque, on utilisait souvent les deux échelles en parallèle.
Dans le présent dossier, toutes les mesures sont converties en degrés Celsius.
Les thermomètres de l’époque étaient déjà au mercure et présentaient donc de bien meilleures garanties d’étalonnage que les thermomètres à alcool (« esprit de vin ») utilisés antérieurement. Les conditions de mesure, par contre, étaient bien différentes de celles pratiquées de nos jours. En été, cela pose de gros problèmes pour la reconstitution de données anciennes car celle-ci nécessite des correctifs d’homogénéisation complexes avec prise en compte de plusieurs paramètres.
En hiver par contre, le problème se pose moins. Les biais liés aux mesures de température sans abri sont essentiellement liés au rayonnement indirect, en provenance des nuages et du sol. Or en décembre, ce rayonnement est faible. De plus, décembre 1788 nous a été décrit comme un mois venteux et souvent couvert. Pour les températures maximales, la différence n’est donc que de quelques petits dixièmes de degrés par rapport à ce qu’elles auraient été si elles avaient été mesurées selon la méthode actuelle.
Pour les températures minimales, le problème se pose en raison de l’élévation trop importante (près de 6 mètres) du thermomètre par rapport au sol. Mais là encore, les conditions venteuses, par ciel souvent couvert, font en sorte que cela n’influence que très peu les températures. Pendant les quelques nuits radiatives observées à l’époque, il est par contre probable que la température à 1,5 mètres du sol, telle que mesurée de nos jours, ait même été encore un peu plus basse que les chiffres publiés à l’époque.
Il faut encore ajouter à cela que le thermomètre à minima et à maxima n’était pas encore inventé. Les relevés se faisaient souvent 3 fois par jour, le matin, à midi et le soir. Des documents attestent que, sur la période 1784-1787, l’Abbé Mann faisait ses relevés à 7 heures du matin, à midi et à 9 heures du soir, ce qui laisse supposer qu’il en était encore ainsi en 1788. En cas de situation extrême toutefois, la curiosité des observateurs de l’époque les poussait à suivre l’évolution du thermomètre, toute la nuit s’il le fallait, pour savoir jusqu’où « il pouvait descendre ». Grâce à cela, quelques températures minimales extrêmes nous sont parvenues.
Notons encore que chaque ville avait sa propre heure à l’époque, plus ou moins calquée sur le midi solaire moyen de la ville en question. Pour Bruxelles, le midi de l’époque correspond à peu près à 12h42 de nos jours (en hiver).
Dans le présent article, nous reprenons les températures au degré près, en précisant l’heure, ou le moment du jour, où elles ont été relevées. Le fait d’arrondir les températures au degré près nous permet de reprendre telles quelles les températures mesurées à l’époque tout en limitant la marge d’erreur.
Décembre 1788 à Bruxelles et dans quelques villes environnantes
Le froid de décembre 1788 n’a pas de pareille à l’heure actuelle, ni même dans un passé récent. La seule période relativement récente qui peut y être comparée est la 2e décade de janvier 1987. Cette fois-là aussi, le froid a été terrible, avec du vent fort, un ciel souvent gris (stratus de turbulence) et très peu de neige. Sauf qu’en janvier 1987, cet épisode de froid n’a guère dépassé la décade en question, alors qu’en décembre 1788, ce froid a duré 7 semaines presque sans interruption, débordant sur fin novembre et début janvier. Par contre le grand point commun est la quasi-absence de neige à Bruxelles, alors qu’il en tombe un paquet sur Paris.
Tout ce qui suit est repris des observations de l’Abbé Mann à Bruxelles, souvent complété par des observations réalisées dans d’autres villes, le plus souvent proches, parfois plus éloignées.
Après un été 1788 chaud et un septembre pluvieux, les mois d’octobre et de novembre sont particulièrement secs.
La première quinzaine du mois de novembre est marquée par du grand beau temps et des températures douces pour la saison. Après cela, le temps devient gris et faiblement pluvieux, mais le 24 novembre, le vent s’oriente au nord-est en soufflant fort et les températures dégringolent.
Le 26 novembre au soir, le thermomètre affiche déjà –8°C tandis que le 27 novembre, la barre des –10°C est dépassée avec –11°C au matin. Deux jours plus tard, on atteint même –12°C. Des températures aussi basses en novembre ne seront observées qu’une fois par la suite, en novembre 1890.
À Courtrai, on mesure –9°C les 27 et 28 novembre 1788, tandis que Paris enregistre –13°C le 28. À partir de ce jour-là, la Seine est entièrement prise par les glaces, ce qui doit être un phénomène unique en novembre.
À noter que les chutes de neige sont généralement faibles, sauf à Gand où il neige abondamment le 26.
Le vent reste accroché au secteur nord-est jusqu’au 9 décembre, en soufflant souvent de façon turbulente, tandis que les températures repassent sous la barre des –10°C les 7 et 9. Mais le pire reste encore à venir.
Du 10 au 13 décembre, le froid s’atténue quelque peu, mais n’est pas moins désagréable, avec un petit vent d’ouest et un ciel bien couvert.
Le 14 décembre, le vent revient au nord-est et le froid revient avec une brutalité inédite. Le matin, la température descend jusqu’à –14°C et le soir déjà, la température rechute à cette même valeur. À Rotterdam, il fait plus froid encore avec –15°C à midi et –18°C le soir.
Le 15 décembre est terrible. Le matin, on observe –17°C et la température ne bouge presque pas jusqu’à 10 heures. À midi, il fait encore –15°C et à 14 heures, la température ne dépasse guère –14°C avant de rebaisser lentement en soirée.
Les jours suivants ne sont guère moins froids, avec –15 à –17°C le matin et le soir, et –11°C au meilleur des cas en journée. À Verviers, on parle même de températures inférieures à –25°C. Pendant tout ce temps, le vent souffle « assez fortement » de nord-est, ce qui laisse deviner à quel point le froid est insupportable. Ce n’est qu’au cours de la journée du 18 que le vent se calme, et s’oriente graduellement entre le sud et l’ouest. Le froid s’atténue, avec des valeurs qui ne descendent « plus qu’à » –8 à –9°C.
Juste avant Noël, le dégel intervient, le seul dégel de ce mois de décembre. Le matin du 23, il fait encore presque –8°C, mais à midi, on est déjà à +4°C et le soir, à +8°C par un petit vent d’ouest à nord. La veillée de Noël tout comme le jour de Noël se passent sous un temps humide de dégel, avec des températures de +2 à +5°C. Puis, la nuit du 25 au 26, il se met à pleuvoir beaucoup, avant qu’il ne se remette à geler le matin du 26 sous un ciel couvert.
Cet épisode est attesté également à Courtrai, où il dégèle par vent d’ouest-nord-ouest, avec de fortes pluies le soir du 25 et le retour du gel par vent de nord-est le matin du 26, avec de la neige par intermittence.
À Bruxelles, chaque jour qui suit le 26 décembre entraîne une baisse de la température de plusieurs degrés, pour atteindre, le matin, –9°C le 27, –12°C le 28 et –18°C le 29. Ce jour-là, la température ne dépasse à aucun moment les –12°C pour redescendre à –15°C dès le soir.
Le 30 décembre est sans conteste la journée la plus froide de la série, avec –20°C atteints entre 7 et 8 heures du matin (très exactement –20,5°C selon le thermomètre de l’ époque), pour un maximum de –13°C en journée. À Courtrai, au moment le plus froid, deux thermomètres indiquent respectivement –17 et –18°C. À Tournai, on mesure –20°C à 10 heures du matin, et –21°C dans la nuit du 30 au 31.
À Paris, c’est aussi le 31 décembre qu’on arrive à la température la plus basse de la vague de froid, avec –22°C, avec là 65 cm de neige !!
Ce froid persistera ensuite jusqu’au 13 janvier 1789.
Selon les dires de l’Abbé Mann, « le vent de bise qui souffla lesdits jours [du 26 décembre 1788 au 13 janvier 1789] était froid et piquant au-delà de toute expression, il soufflait avec une violence qui le rendit presque insupportable au dehors, et il pénétrait partout avec des sifflements aigres, au point qu’il était presque impossible de chauffer les maisons.
« C’est ce cruel vent qui donnait au peu de légumes qui restaient sur pied dans les jardins une apparence comme si le feu y était passé ; et comme les terres labourées, par la sécheresse de la saison qui avait précédé la gelée et par la force et la durée de cette dernière, étaient devenues très meubles, le vent qui, après avoir enlevé le peu de neige qui les couvrait, enleva même la terre et la répandit sous forme de poussière sur la ville et les champs, au point que la neige changea partout de couleur en passant de blanche à brune. »
Il existe cependant des sources contradictoires qui évoquent une quantité plus grande de neige chez nous (sans préciser quand). Le témoignage très précis de l’Abbé Mann, parlant de peu de neige à la fin d’une vague de froid n’ayant pratiquement pas connu de dégel, plaide plutôt pour un épisode hivernal accompagné de (très) peu de neige.
Le passage ci-dessous, également écrit par l’Abbé Mann, va aussi dans ce sens : « C’est le vent de nord-est qui a été dominant : le ciel a été quelquefois serein, mais souvent couvert ; et il est tombé de la neige dix ou douze fois, mais jamais en grande quantité » .
Enfin, terminons cette rubrique concernant la Belgique en décrivant les conditions climatiques qui ont régné sur notre littoral. Si aucune donnée chiffrée ne nous est jamais parvenue, nous avons par contre des descriptions très précises sur les rigueurs extrêmes qui y ont frappé notre côte. M. de Brauwère, Bourgmestre de Nieuport a fait part de ceci : « on passait à cheval le port d’Ostende et la mer était couverte d’une glace ferme sur une distance de plus de 2 kilomètres de la côte. D’énormes blocs de glace dérivaient jusqu’à 10-15 kilomètres du rivage, empêchant ainsi toute approche de navires ».
Une banquise est déjà en soi est un phénomène exceptionnel à la côte belge. La dernière en date est celle de février 1963. (En janvier 1997, un tout début de banquise a été observée, mais sur une dizaine de centimètres d'épaisseur tout au plus, sans commune mesure avec celle de 1963). Le fait que cette banquise, en 1788, se forme en plus au début de l’hiver – alors que normalement, les eaux ne sont pas encore très froides à cette période de l’année – montre à quel point ce mois de décembre 1788 a été rigoureux en Belgique.
Et ailleurs en Europe ?
Parmi nos pays avoisinants, la France est très durement frappée par cette vague de froid. Paris, comme dit précédemment, atteint –22°C le 31 décembre avec 65 cm de neige, tandis qu’une température de –31°C nous est rapportée de Mulhouse en date du 19 décembre.
Louis Hersent : « Louis XVI distribuant des aumônes aux pauvres de Versailles durant l’hiver 1788 »
La future Allemagne communique surtout ses températures extrêmement basses. À Augsburg et à Munich, le thermomètre descend jusqu’à –26°C le 18 décembre. À Weimar, on enregistre –29°C le 17 décembre. Le même jour, on note –33°C à Leipzig. À Cologne, le Rhin est entièrement couvert de glace du 22 décembre au 19 janvier. Par la suite, la débâcle fera beaucoup de dégâts de Cologne à Düsseldorf.
En Italie, on parle plutôt de quantités considérables de neige, entre autres à Rome et à Naples.
En Angleterre, il fait froid aussi, mais moins, avec juste une pointe de –9°C le 30 décembre à Londres. En périphérie, on note des valeurs plus basses, dont un –14°C à Clapham, à 4 kilomètres au sud-ouest de Londres (aujourd’hui, Clapham est englobé dans la ville). Cependant dans l’ensemble, on reste très loin des rigueurs du continent.
En Écosse, c’est même tout le contraire qui se passe : la saison est douce et pluvieuse. En Norvège, on parle même d’un « hiver extraordinairement doux, où l’on n’a presque pas vu la neige ».
Cette répartition des températures, des précipitations et des types de temps nous permet de nous faire une très bonne image de la situation atmosphérique moyenne : un mince mais très long anticyclone s’étendant de la Mer du Nord à l’est de la Scandinavie ou au nord-ouest de la Russie. Sur le flanc sud, le « Moscou-Paris » achemine de l’air très froid, originaire de Sibérie, jusqu’en Europe de l’ouest. En Méditerranée, des dépressions attirent des descentes d’air froid sur les eaux chaudes qui provoquent d’importantes précipitations, parfois de neige jusqu’à des latitudes très méridionales. La France et l’Allemagne, en raison des retours d’est, connaissent encore occasionnellement de fortes chutes de neige, alors qu’un peu plus au nord, on est du côté sec.
Très au nord par contre, c’est-à-dire sur le flanc nord de l’anticyclone, on se trouve dans des courants perturbés d’ouest ou de sud-ouest, d’origine océanique, avec des températures justement très douces pour ces hautes latitudes.
Et aujourd’hui, est-ce encore possible ?
D’aucuns d’entre vous se posent sûrement la question de savoir si de telles conditions hivernales sont encore possibles de nos jours en Belgique. La réponse est oui.
Le réchauffement climatique de ces dernières décennies a non seulement augmenté la température moyenne, mais a aussi augmenté l’écart entre les extrêmes. Pour les phénomènes de chaleur, l’augmentation de la moyenne et l’augmentation de l’écart entre les extrêmes vont dans le même sens, ce qui fait que les canicules tout comme les douceurs hivernales tendent à pulvériser tous les records et ce, parfois d’année en année.
Les phénomènes de froid, par contre, sont d’une part atténués par l’augmentation de la température moyenne, et d’autre part renforcés par l’augmentation de l’écart des extrêmes, l’un compensant en quelque sorte l’autre. C’est pour cette raison que les vagues de froid diminuent moins vite que prévu et que nous ne sommes toujours pas à l’abri de surprises froides.
Ponctuellement, les années récentes nous ont montré leur capacité de produire encore des phénomènes de neige et de froid majeurs, parfois même tout à fait hors saison.
Le 13 mars 2013, une grande partie du pays s’est réveillée sous un froid et une neige tout à fait hors normes (voir notre article ici).
Du 14 au 16 octobre 2015, la Belgique a connu des maxima extrêmement bas et des enneigements particulièrement précoces sur les hauteurs.
Du 24 avril au 1er mai 2016, un événement neigeux qui, vu la saison, peut être considéré comme majeur s’est produit en Haute Belgique, accompagné de températures remarquablement basses sur toute la Belgique.
Les gelées permanentes des 17 et 18 mars 2018 sont les plus tardives en plaine depuis... 1888. Les valeurs de –2 à –6°C mesurées durant l’après-midi du 17 sont en outre de loin les plus froides depuis 1888 à pareille saison.
Les chutes de neige du 30 octobre 2018 dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, avec 6 cm à Presgaux (Couvin) sont tout à fait inédites pour cette région en octobre.
Les fortes chutes de neige du 4 mai 2019, donnant des couches jusqu’à 8 cm à 300 mètres, n’ont plus été vues à pareille altitude en mai depuis 1902.
Ceci met en évidence que des phénomènes de froid et de neige d’une grande rareté restent possibles de nos jours, même si leur fréquence, il est vrai, est devenue globalement moindre. Mais ils ne sont pas exclus pour autant.
Par « chance » si on peut dire, on n’a plus connu de phénomènes froids de longue durée. Mais au vu de ce qui se passe sur les autres continents, ils sont loin d’être impossibles. D’autant plus que les situations de blocage, dans les années à venir, risquent d’être encore plus solides qu’autrefois. Dans le cas d’un décembre 1788-bis, le réchauffement climatique en atténuerait certes les effets dans un premier temps. Mais si la situation persiste longtemps, sans même le petit dégel temporaire qu’il y a eu en 1788 (des « monstres » anticycloniques sont désormais possibles sous des « blocages d’acier »), le froid finira par s’auto-entretenir, puis à s’auto-renforcer avec, dans un scénario extrême, même l’éventualité d’une situation pire qu’en 1788.
Sources :
- « Mémoires sur les grandes gelées et leurs effets », Mr. L’Abbé Mann, 1792
- « Aperçu historique des observations météorologiques faites en Belgique », Adolphe Quételet, 1834
- « La révolution brabançonne (1787 à 1790) », Jacques Serieys Sélection 39, 2019
- « Tableau chronologique de l’histoire de Bruxelles dans le contexte européen », Jean Heyblom
- Différents articles de Wikipédia
Merci à Robert VIlmos pour la rédaction de cet article.