Le climat de la côte belge, partie 3 - en été
- Détails
- Publication : dimanche 19 février 2006 00:00
- Écrit par : Administrator
Niveau : initié
Qu'en est-il du climat de la côte belge en été?
En été, le climat de notre littoral est conditionné en grande partie par les brises de mer et de terre qui lui confèrent un caractère propre, bien distinct du climat des autres régions de Belgique.
La brise de mer et son corollaire, la brise de terre, influencent non seulement la température mais aussi la nébulosité et l'activité orageuse.
Au départ, il s'agit d'un phénomène assez simple. Comme précisé dans la partie 1 de ce dossier sur le climat de la côte belge, la température ne varie pratiquement pas au large dans le courant de la journée, alors que la variation diurne est bien perceptible à l'intérieur des terres, surtout en été. La nuit donc, la terre est plus froide que la mer. Pour rétablir l'équilibre, il y a un appel d'air en direction de la mer : c'est la brise de terre. En journée, la terre devient rapidement plus chaude que la mer et l'appel d'air se fait en sens inverse : c'est la brise de mer.
Evolution journalière
Dans une situation standard, la côte connaît la fraîcheur du petit matin tout comme l'intérieur des terres (puisque le vent vient de là). Dans le courant de la matinée, la côte partage le réchauffement avec l'intérieur des terres mais la brise de terre disparaît progressivement. En fin de matinée (il y a un certain retard dans le déclenchement du phénomène), le vent se met à souffler faiblement de la mer. La température se met à stagner, puis à diminuer légèrement. C'est l'air au-dessus des eaux côtières qui arrive jusqu'à la côte. Vers midi, la brise se développe bien, se renforce jusque vers le milieu de l'après-midi et amène cette fois-ci de l'air en provenance du grand large, encore plus frais. A ce moment-là, le phénomène a suffisamment d'amplitude pour faire intervenir la force de Coriolis et le vent se met à souffler en oblique par rapport à la côte. Le vent de nord à nord-nord-est est très caractéristique à la côte, l'après-midi, par grand beau temps. Le soir, ce vent diminue et la nuit, la brise de terre se remet à souffler.
Brise de mer
La brise de mer dépend de trois conditions : la différence de température entre la terre et la mer, la direction du vent général et le degré d'instabilité de l'air.
La différence de température.
En été, par beau temps, elle est toujours présente par contre, la stabilité ou l'instabilité de l'air jouent également un grand rôle.
Par temps anticyclonique, la subsidence est forte et la couche instable au-dessus du sol surchauffé n'a qu'une faible épaisseur. En dépit des grandes différences de température entre terre et mer, la brise de mer a du mal à se mettre en place, le poids des hautes pressions (et de la subsidence) ralentissant fort le mouvement de l'air. Dans ce cas, la brise de mer aura tendance à se lever plus tard (vers midi) et reste faible même l'après-midi. L'air du grand large n'atteint pas la côte, seulement l'air qui se trouve au-dessus des eaux côtières (moins fraîches). Le rafraîchissement reste donc limité. S'il fait 30°C à l'intérieur des terres, il fera 26 ou 27°C l'après-midi en bord de mer (mais au large, la température peut malgré tout rester inférieure à 20°C). Le temps, à l'intérieur des terres, est alors limpide avec éventuellement quelques cumulus humilis. A la côte, ces cumulus ne se formeront pas et l'air reste légèrement brumeux (en fait, il existe une inversion au-dessus de la mer).
Par beau temps avec air instable (situations pré-orageuses), la brise de mer se renforce. En effet, les cheminées d'ascendance au-dessus des terres (cumulus congestus) contribuent à l'appel d'air en provenance de la mer et l'accélèrent. La brise de mer se lève plus tôt et devient plus forte. Il fait alors plus frais à la mer. Après un maximum en matinée, la température redescend pour n'atteindre plus que 21 ou 22°C l'après-midi, alors qu'il fait toujours 30°C à l'intérieur. La force du vent provoque aussi une certaine turbulence de l'air, donc un refroidissement adiabatique jusqu'à quelques centaines de mètres d'altitude. Cette faible instabilité dans les basses couches empêche la formation des brumes mais est insuffisante pour former des stratus ou stratocumulus. D'autre part, les cumulus congestus ne se forment pas non plus par manque de chaleur convective. C'est donc le grand beau temps à la côte.
Photo: M. Bastin
Les orages qui se formeront éventuellement le soir ont peu de chances d'éclater à la côte. Par contre, à une trentaine de kilomètres à l'intérieur, à la limite de pénétration de la brise de mer, il se forme une ligne de convergence (front de brise de mer = mini-front froid) qui là, peut renforcer les orages. La nuit, ceci a toutefois peu d'influence sur la brise de terre puisque l'instabilité disparaît.
Par temps couvert, par contre, elle diminue fortement et la brise de mer, en journée, a tendance à disparaître. Dans ce cas, la côte retrouve grosso-modo les mêmes conditions de vent qu'ailleurs dans le pays, et les remarques faites sur le vent en hiver sont alors valables en été aussi. Les étés pluvieux, il pleut un peu moins à la côte qu'à l'intérieur, et le temps est un peu plus venteux, exactement comme en hiver.
La direction du vent général.
La brise de mer (et de terre aussi) est la résultante entre le vent général et elle-même.
Par vent général de sud-ouest, la brise de mer aura tendance à souffler d'ouest ou d'ouest-nord-ouest, par vent général de sud-est, la brise de mer aura tendance à souffler de nord-est, voire d'est-nord-est (parallèle à la côte). Le vent général peut renforcer la brise de mer s'il souffle dans la même direction ou, au contraire, la diminuer s'il souffle en sens inverse. Si le vent général est suffisamment fort, il se substituera à la brise. Le vent de sud-est peut par exemple repousser à nouveau la brise de mer vers le large. Alors, il fera aussi chaud à la mer qu'à l'intérieur des terres. Parfois, il y fera même aussi chaud qu'en Campine, en raison de la nature sablonneuse du sol.
L'activité orageuse.
Le vent de sud-est peut d'ailleurs devenir dangereux en situation pré-orageuse. Ce vent a tendance, dans ce cas à se renforcer, mais la brise de mer se renforce aussi, pour les raisons décrites précédemment. A la rencontre des deux, il se crée alors une puissante zone de convergence, souvent très près de la côte, qui peut alors, en renfort de l'instabilité générale, provoquer des orages violents.
Une autre situation dangereuse est l'avance d'orages frontaux en provenance de l'ouest. Dans ce cas, le front de brise de mer peut venir renforcer le front froid principal et surtout créer une situation complexe de cisaillement du vent, ce qui, non seulement, peut provoquer une importante ascendance dynamique, mais aussi des mouvements rotatoires, tels des trombes d'eau, des tornades. Ce fut le cas, notamment, le 17 juillet 2004.
Photo: M. Legrand
Ceci signifie que les orages, s'ils sont en moyenne moins nombreux à la côte, ne sont pas moins dangereux. On pourrait même dire qu'ils le sont plus. En 1968 aussi, une importante tornade y a déjà été observée (qui, fort heureusement, était restée sur la mer).
En résumé :
Le climat à la mer est, en moyenne, plus ensoleillé mais plus frais en été. La brise de mer, dans les cas habituels, dégage assez bien le ciel des nuages convectifs mais aussi, grâce au courant de compensation en altitude, des stratus et stratocumulus qui se forment plus loin au large: ce phénomène est appelé "éclaircie côtière".
Lorsque le temps est généralement mauvais sur la Belgique, il ne sera guère meilleur à la côte. Toutefois, un passage plus rapide des perturbations et une certaine inhibition de l'instabilité (eaux froides) donne, même dans ce cas, un ensoleillement légèrement meilleur, en contre-partie, le temps est venteux et très frais dans ces cas-là
L'échange terre-mer a tendance à empêcher la formation des orages le long de la côte mais, dans certains cas, il peut les renforcer.
Par beau temps, les températures maximales sont généralement atteintes vers 11 heures du matin, juste avant le développement de la brise de mer. Par ailleurs, la différence peut être très grande entre la région des dunes et le littoral proprement dit, surtout aux heures de midi. L'après-midi, ces différences s'égalisent en raison de la pénétration de l'air marin jusqu'à 20 ou 30 kilomètres à l'intérieur des terres.
Si le vent d'est ou de sud-est (voire de sud) est suffisamment fort pour empêcher la brise de mer, il peut faire extrêmement chaud au littoral. Le cas reste toutefois rare. Lors de la vague de chaleur de 1976, la côte en est restée plus ou moins épargnée car la brise de mer était à chaque fois fidèle au rendez-vous. Ce ne fut pas le cas, par contre, lors de la vague de chaleur de 2003.