Il y a 35 ans : Tchernobyl
- Détails
- Publication : mardi 27 avril 2021 07:10
- Écrit par : Philippe MIEVIS & Robert VILMOS
Introduction
Il y a 35 ans, le monde était concerné par ce qui devenait alors le plus gros accident du nucléaire civil : la catastrophe de Tchernobyl, la première classée de niveau 7 de l'échelle internationale des événements nucléaires, soit le plus haut niveau.
Le mardi 12 avril 2011, Fukushima devait malheureusement rejoindre Tchernobyl sur cette échelle de gravité.
Cet article revient sur les causes et conséquences du passage du nuage radioactif de Tchernobyl sur la Belgique dans le cadre des 35 ans de "l'anniversaire" de la catastrophe de Tchernobyl.
Vue de la centrale de Tchernobyl depuis la ville toute proche de Pripyat, aujourd'hui ville fantôme.
Source : Pixabay
Evolution du "nuage" radioactif les premiers jours après la catastrophe.
Ci-dessous, l'évolution en vidéo :
Tchernobyl : rappel des faits
Le 28 avril 1986, au matin, un niveau de radioactivité anormalement élevé est enregistré par les détecteurs de la centrale nucléaire de Forsmark en... Suède. Rideau de fer oblige, les dirigeants de l'URSS à l'époque avaient passé sous silence l'incident. Le moment de panique passé (ils pensaient d'abord que c'était leur centrale qui présentait une fuite radioactive), il fut déterminé que cette brusque augmentation de la radioactivité venait d'ailleurs, sans doute de l'est. Ce n'est que le 29 avril , soit trois jours après l'incident, que l'agence TASS (agence de presse de l'ex URSS) communique enfin qu'un "accident de gravité moyenne" est survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine.
Tout a commencé le 25 avril 1986 : un test était prévu sur le réacteur numéro quatre : il eut lieu un peu après 23h. Pour ce faire, des sécurités ont été désactivées, et, un malheur n'arrivant jamais seul, des erreurs ont été commises par les techniciens de la centrale.
A 1h24 le matin du 26 avril, c'est la catastrophe : après une surchauffe, une explosion survient, projetant les 1200 tonnes de la dalle de béton protégeant le réacteur; les débris en retombant, fissurent le cœur du réacteur : un violent incendie se déclare alors. L'incendie maitrisé, il faudra des jours de travail pour étouffer le cœur du réacteur en fusion par le largage de sable, de plomb et d'autres matériaux dans le trou qui libère une radioactivité incroyable. La plupart des pompiers (les premiers envoyés sur place sans la moindre protection anti-radiations) puis les pilotes d'hélicoptères, qui recevaient, à chaque largage de 8 secondes des doses 3000 fois supérieures aux doses maximales annuelles tolérées pour une personne, furent dès lors gravement irradiés : beaucoup d'eux en moururent, parfois dans les jours qui suivirent. Le 6 mai, le fond du réacteur cède, et le cœur fondu s'écoule et se solidifie 20 m plus bas dans les infrastructures, ce qui a comme effet de diminuer drastiquement les émissions radioactives. La poursuite de l'étouffement du cœur se prolongea jusqu'au 14 mai. Ensuite, la réalisation d'un sarcophage devait durer plusieurs mois, afin d'isoler au maximum le réacteur.
Le réacteur numéro quatre de la centrale de Tchernobyl, entouré ici de son sarcophage.
Source : Pïxabay
Du 26 avril au 6 mai donc, de grosses quantités de matières radioactives ont été relâchées dans l'atmosphère (essentiellement du Césium 137 (137Cs) et de l'Iode 131 (131I)). Ces matières se sont déplacées avec les masses d'air dans la troposphère, ce déplacement étant déterminé par les centres d'actions atmosphériques (dépressions et anticyclones). Le 26 avril (voir carte ci-dessous), un anticyclone est présent sur la région de Saint-Pétersbourg (Lenningrad à l'époque): les masses d'air de Tchernobyl se déplacent du SE vers le NO : cela explique que ce soit la Suède, premier pays occidental touché par la masse d'air qui a été touchée et qui a pu ainsi donner l'alerte.
On emploie souvent le terme de nuage radioactif quand on parle de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl : ce terme est inadéquat, quoique, pour la bonne compréhension de l'article et parce que le vocable est resté dans la mémoire collective, nous l'utiliserons dans l'article. Il ne s'agit en fait pas de nuage, constitué de gouttelettes d'eau : ici il s'agit d'une masse d'air contaminée, et tout à fait indétectable à l'œil nu.
La trajectoire du "nuage" radioactif.
Pas de chance pour l'Europe de l'Ouest : nous étions, à cette époque, sous influence d'anticyclones situés sur la Scandinavie ou sur le Nord Ouest de la Russie, amenant des courants continentaux... d'est, donc de la région de Tchernobyl. La Scandinavie sera la première touchée, dès le 27 avril. Ensuite, ce fut au tour de l'Europe de l'Est le 29 avril, l'Autriche l'Allemagne et l'Italie le 30. La France fut touchée le 1er mai, en particulier la partie Est de son territoire. La Belgique devait être touchée le 1er mai au soir, pour connaître un maximum les 12 premières heures du 2 mai, avant de quitter notre territoire le 3 mai. Ensuite, avec enfin le placement d'anticyclone plus propice pour le retour de courants océanique et donc de flux d'Ouest repoussant le nuage vers l'Europe de l'Est, notre pays et l'Europe de l'Ouest de façon générale, devaient être définitivement épargnées du "nuage", les émissions radioactives du site de Tchernobyl étant entretemps fortement diminuées (voir plus haut).
Notre pays avait parfaitement prévu la trajectoire du "nuage" et les autorités, de même que la population, avait été prévenue de l'arrivée du "nuage".
Par contre, rien de tout cela en France, où, au journal télévisé du 30 avril au soir, il était dit que le nuage s'arrêterait aux frontières de la France et qu'il n'y rentrerait donc pas. Mauvaise interprétation des services météorologiques ou décision des autorités afin de ne pas paniquer la population ? La question reste ouverte, mais la seconde hypothèse semble la plus plausible. A l'heure d'Internet, pareille désinformation ne serait sans doute plus possible.
Au journal d'Antenne 2, ex France 2 : le "nuage" radioactif
ne franchira pas les frontières de la France.
Mais le passage du "nuage" radioactif au dessus de nos têtes n'est pas le seul élément à prendre en compte, et les effets restent limités lors d'un simple passage. Par contre, s'il est accompagnés de précipitations, le problème est tout autre puisque les particules radioactives présentes vont être entraînées avec celles-ci jusqu'au sol où elles vont malheureusement contaminer le sol et les plantes. Et donc toute la chaîne alimentaire, puisque les vaches qui produisent le lait et la viande s'en nourissent. De plus, certaines plantes aromatiques, comme le thym, ont tendance à accumuler les éléments radioactifs, rendant leur consommation particulièrement néfaste.
Des mesures sanitaires ont été prises en Belgique pour maintenir le bétail à l'intérieur quelques jours pour les zones susceptibles d'être touchées par les précipitations contaminées. Ce qui ne fut pas le cas en France...
En Belgique, les précipitations ont surtout eu lieu le 3 et le 4 mai, à l'est de notre territoire notamment, mais à un moment où le plus gros du "nuage" était déjà passé (le matin du 2 mai). Néanmoins, de la radioactivité a été enregistrée dans les précipitations de ces jours-là. (voir ci-dessous : analyse de la situation au jour le jour).
Sur base de ces précipitations et de la trajectoire du "nuage" radioactif, on a pu déterminer quelles étaient les régions en Europe les plus touchées par les retombées radioactives : elles vous sont présentées sur la carte ci-dessous.
Qu'est ce que la radioactivité et quelles en sont les conséquences pour la santé ?
La radioactivité, phénomène qui fut découvert en 1896 par Henri Becquerel sur l'uranium est un phénomène physique naturel au cours duquel des noyaux atomiques instables, dits radio-isotopes, se transforment spontanément (« désintégration ») en dégageant de l'énergie sous forme de rayonnements divers, pour se transformer en des noyaux atomiques plus stables ayant perdu une partie de leur masse. Les rayonnements ainsi émis sont appelés, selon le cas, des rayons α, des rayons β ou des rayons γ. (source : Wikipedia) Tous ces rayons sont ionisants et réagissent avec la matière. En interactions avec les tissus biologiques, ils provoquent des cassures -entre autres- des molécules d'ADN, rendant la cellule incapable de se reproduire ou alors avec un risque important de mutations génétiques.
Les radio-isotopes les plus fréquents dans les roches terrestres sont l'isotope 238 de l'uranium (238U), l'isotope 232 du thorium (232Th), et surtout l'isotope 40 du potassium (40K). Outre ces isotopes radioactifs naturels encore relativement abondants, il existe dans la nature des isotopes radioactifs en abondances beaucoup plus faibles. Il s'agit notamment des éléments instables produits lors de la suite de désintégrations des isotopes mentionnés, par exemple de divers isotopes du radium et du radon. Un des radio-isotopes naturels les plus utilisés par l'homme est l'isotope 235 de l'uranium (235U) qui se trouve dans la nature en faible concentration.
Dans le cadre du nucléaire civil, essentiellement pour les centrales à Uranium enrichi, l'Uranium se désintègre en Césium 137 (137Cs) et en l'Iode 131 (131I). Un autre élément radioactif que l'on retrouve dans les rejets lors d'accidents nucléaires est le Strontium 90 (90Sr). Ces trois composants sont particulièrement toxiques : outre la radioactivité qu'ils dégagent, ils vont se substituer à d'autres éléments de l'organisme : Le Césium va prendre la place du Potassium, le Strontium celui du Calcium et donc s'accumuler dans les os et irradier la moelle osseuse qui à la base de la génération des globules rouges et blancs ainsi que des plaquettes, avec des risques à terme de leucémie par irradiation de cette moelle, et enfin l'Iode 131 qui prend la place de l'Iode naturel et s'accumule très fortement et rapidement au niveau de la glande thyroïde, risquant de provoquer, toujours par irradiation directe, des cancers de la thyroïde.
Analyse de la situation au jour le jour (par Robert Vilmos)
26 avril 1986
Dans le cadre d’un creux en altitude descendant jusqu’en Espagne et se déplaçant lentement vers l’est, une petite dépression en surface, centrée sur l’ouest de la France, se dirige droit vers nos régions. La partie occluse de la perturbation, associée à cette dépression, traverse nos régions tandis que le secteur chaud de la partie non occluse passe au sud et se contente d’influencer très temporairement la partie méridionale de notre pays, où les éclaircies sont un peu plus larges qu’ailleurs et où la température monte jusqu’à 18-19°C. Ailleurs, les maxima ne dépassent généralement pas les 15°C, et restent même coincés autour des 10°C sur l’extrême ouest du pays.
Au centre, le temps est d’abord très brumeux avec brouillards matinaux se transformant en stratus. Il pleut par intermittence, parfois de façon modérée, sous l’effet d’un nimbostratus qui se glisse au-dessus de notre pays. En soirée, la couverture nuageuse se déchire (stratocumulus et altocumulus, ainsi que quelques cirrus) pour laisser place à de belles éclaircies. Puis le temps devient orageux. En général, les précipitations restent assez modestes, mais localement on note des cotes plus élevées, avec 14 mm à Beauvechain rien que pour l’orage, et 16 mm au total.
En raison du parcours très méridional de la dépression, le vent est resté orienté entre l’est et le nord-est, à l’exception du sud du pays, où le vent a temporairement soufflé du sud-ouest.
Radioactivité
26-27 avril - activité ß des poussières en mBq/m3 (entre parenthèses, activité ß des précipitations en Bq/m2, si disponible)
Coxyde : 0,5 (4,6)
Uccle : compteur contaminé (1,7)
Ixelles : 0,4
Dourbes : compteur contaminé
Mol : 0,5 (2,9)
Carte de surface du 26 avril 1986. source : IRM
27 avril 1986
Le creux en altitude recouvre désormais toute la France et descend jusqu’en Algérie. Au niveau du sol, la petite dépression qui influençait notre temps la veille, se trouve le matin sur les Pays-Bas et s’éloigne vers le nord-est en se comblant. À l’arrière de l’occlusion, l’air est d’origine océanique, et de nouvelles perturbations se préparent déjà à aborder nos régions.
Il s’ensuit un temps légèrement instable, avec régulièrement de petites averses et une visibilité nettement meilleure. Mais la persistance de nombreux stratocumulus entre les nuages cumuliformes (air fort humide en altitude) est responsable d’une insolation plutôt maigre.
Le vent a une forte composante méridionale, soufflant entre le sud-est et le sud-ouest, toutefois comme il s’agit d’air polaire de retour, à caractère maritime, les températures restent plutôt faibles pour la saison, comprises le plus souvent entre 11 et 14°C en Basse et Moyenne Belgique. Le manque de soleil n’est pas étranger non plus à cette fraîcheur printanière.
Radioactivité
27-28 avril - activité ß des poussières en mBq/m3 (entre parenthèses, activité ß des précipitations en Bq/m2, si disponible)
Coxyde : 0,4 (0,0)
Uccle : compteur contaminé (0,2)
Ixelles : compteur contaminé
Dourbes : compteur contaminé
Mol : 0,6 (0,0)
28 avril 1986
De l’air maritime continue à stagner sur notre pays, coincé entre d’une part une circulation zonale qui essaie de s’installer, avec l’approche d’une perturbation atlantique commandée par une dépression au voisinage de l’Islande, et d’autre part par une circulation de nord-est liée à une dépression sur l’Italie, elle-même associée à une circulation fermée en altitude (goutte froide) qui s’est détachée du courant général.
De ce fait, le vent n’a pas de direction précise chez nous, et tombe complètement par moment. Par conséquent, le temps reprend un petit caractère brumeux. Le ciel est souvent couvert en matinée, avec stratus évoluant en stratocumulus, puis en cumulus et stratocumulus. Quelques belles éclaircies avec cumulus seulement, et quelques altocumulus.
L’après-midi, le temps continue à s’éclaircir mais, outre les cumulus, les stratocumulus restent fort présents. Ce n’est que le soir que le ciel deviendra vraiment peu nuageux en de nombreux endroits, avec quelques cirrus et quelques altocumulus.
Les températures, dans cet air calme, remontent quelque peu et se situent souvent autour des 15°C. Au littoral, les éclaircies sont bien plus larges (stratus fractus faisant vite place à un ciel serain ou peu nuageux avec cirrus et quelques cumulus humilis), mais une brise de mer d’ouest, soufflant de façon soutenue l’après-midi, maintient les températures entre 9 et 11°C.
Nulle part, on ne notera de précipitations significatives ce jour-là.
Radioactivité
28-29 avril - activité ß des poussières en mBq/m3 (entre parenthèses, activité ß des précipitations en Bq/m2, si disponible)
Coxyde : 0,4 (0,9)
Uccle : compteur contaminé (0,0)
Ixelles : compteur contaminé
Dourbes : compteur contaminé
Mol : 0,8 (0,0)
29 avril 1986
Les basses pressions sur l’Italie et les Balkans, se déplaçant plus ou moins avec la goutte froide en altitude, perdent leur influence sur nos régions, tandis qu’un front occlus, associé à la dépression islandaise, traverse notre pays le matin sous une forme très affaiblie. Derrière cette perturbation, une faible circulation de nord-ouest s’installe sur nos régions.
En matinée, le temps est nuageux à très nuageux avec stratus et stratocumulus, au-dessus desquels l’on distingue des altocumulus et des cirrus. Il y a peu ou pas de précipitations. Quelques éclaircies, puis le ciel se referme complètement l’après-midi avec des stratocumulus en-dessous desquels subsistent quelques cumulus. Le sondage d’Uccle révèle en effet une structure instable dans les basses couches, mais une inversion entre 1 200 et 1 500 mètres d’altitude. Juste en-dessous de cette inversion, l’air est très humide, notamment vers 1 000 mètres, ce qui explique la présence de ces stratocumulus.
Le soir toutefois, on voit réapparaître des éclaircies en raison de la dissipation des stratocumulus. Pour finir, le ciel devient même parfaitement serein, ou alors peu nuageux avec des cirrus.
Dans le sud et l’est du pays, la météo évolue différemment. Là, dès l’après-midi et jusque dans la nuit, on observe des bruines et pluies des suites de l’évolution d’un altostratus translucidus en nimbostratus. Les précipitations seront d’ailleurs assez abondantes, avec des cotes de 13 à 17 mm.
Partout en Belgique, en raison de la faiblesse ou de l’absence d’ensoleillement, les températures maximales restent assez basses, entre 7°C à Saint-Hubert et 14°C au centre du pays. Seul le littoral a connu des éclaircies plus larges l’après-midi, mais la température n’y a pas dépassé 10°C en raison du vent de la mer.
Radioactivité
29-30 avril - activité ß des poussières en mBq/m3 (entre parenthèses, activité ß des précipitations en Bq/m2, si disponible)
Coxyde : 0,4 (0,0)
Uccle : compteur contaminé (0,0)
Ixelles : compteur contaminé
Dourbes : compteur contaminé
Mol : 0,8 (0,0)
30 avril 1986
Une extension de l’anticyclone des Açores, soutenue par des hausses de pression en altitude, se développe rapidement sur nos région et se détache pour former une cellule séparée.
Le temps s’améliore rapidement, avec un ciel peu nuageux. Seuls des cirrus et quelques rares altocumulus donnent encore temporairement un ciel plus nuageux. Dans un premier temps, en raison de l’origine polaire de l’air dans les basses couches, il fait encore très frais et assez humide. La nuit a même été froide, principalement sur l’ouest du pays où le ciel s’est dégagé en premier. À Knokke, la température est descendue jusqu’à 0,3°C, et jusqu’à 0,4°C à Moerbeke. De telles températures ont aussi été localement relevées dans l’est du pays, comme les 0,3°C de Koersel.
L’après-midi, sous l’influence du soleil, l’air s’est notablement réchauffé et surtout desséché. À l’exception du littoral, les températures ont été partout proches des 16°C en Basse et Moyenne Belgique.
Le sondage d’Uccle montre bien cette sécheresse de l’air, et aussi une isothermie entre 1 500 et 2 300 mètres. Aucun cumulus n’a donc pu se former. Il va sans dire de dans de telles conditions, on n’a noté aucune précipitation dans le pays.
Radioactivité
30 avril-1er mai - activité ß des poussières en mBq/m3 (entre parenthèses, activité ß des précipitations en Bq/m2, si disponible)
Coxyde : 0,9 (0,0)
Uccle : compteur contaminé (0,0)
Ixelles : compteur contaminé
Dourbes : compteur contaminé
Mol : 1,4 (0,0)
1er mai 1986
La cellule anticyclonique est centrée sur le Danemark le matin, et se déplace très lentement vers la Baltique. Cette cellule correspond exactement à un petit anticyclone chaud en altitude, qui s’est également détaché de la circulation générale.
Le temps est très beau partout, avec un ciel serein ou presque, juste quelques cirrus. La combinaison de l’air sec et d’une épaisse isothermie entre 750 et 1 550 mètres d’altitude, qui ne sera que partiellement résorbée durant l’après-midi, empêchera à nouveau la formation de cumulus.
Le matin, il fait à nouveau froid, avec du gel à Rochefort (–1,4°C) et des températures proches de 0°C aux endroits exposés en plaine (0,4°C à Koersel et 0,7°C à Chièvres et à Knokke-Zwin). L’après-midi, grâce à la continentalisation de l’air, il se met à faire très doux avec des maxima le plus souvent compris entre 20 et 22°C. Le vent, quant à lui, est un peu irrégulier en force et souffle d’est à nord-est avec de petites rafales. Au littoral, ce vent se combine à la brise de mer, avec seulement 16°C à Middelkerke.
Radioactivité
1er-2 mai - activité ß des poussières en mBq/m3 (entre parenthèses, activité ß des précipitations en Bq/m2, si disponible)
Coxyde : 1 540,0 (0,0)
Uccle : 9 968,0 (0,0)
Ixelles : 7 094,0
Dourbes : 12 826,0
Mol : 5 400,0 (0,0)
2 mai 1986
Le déplacement de l’anticyclone de la Baltique vers la Finlande et le creusement d’une dépression à l’entrée de la Manche placent notre pays sous l’influence de courants chauds d’origine tropicale. Le temps reste très beau, avec un ciel souvent parfaitement serein. La convection ne s’enclenche que le soir, avec la formation rapide de quelques cumulonimbus. Les orages restent toutefois modestes, avec des précipitations très localisées et généralement inférieures à 1 mm. Mais le tonnerre est entendu dans de nombreux endroits de la moitié est du pays.
Avec un bon petit vent d’est à sud, les maxima se sont élevés à 26-27°C en Basse et Moyenne Belgique, ce qui est déjà assez chaud pour la saison.
Le sondage d’Uccle laissait bien deviner une telle évolution du temps : une configuration très instable mais un air sec, d’où l’activité orageuse somme toutes assez limitée et des précipitations très faibles.
Radioactivité
2-3 mai - activité ß des poussières en mBq/m3 (entre parenthèses, activité ß des précipitations en Bq/m2, si disponible)
Coxyde : 7 700,0 (0,0)
Uccle : 14 554,0 (0,0)
Ixelles : 13 196,0
Dourbes : 7 954,0
Mol : 17 400,0 (0,0)
3 mai 1986 (matin)
La dépression se situe toujours à l'entrée de la Manche, où elle s'est creusée, et nous nous trouvons toujours du côté chaud. Mais la plus grande proximité du front froid fait en sorte que le ciel du matin est nuageux à très nuageux, avec principalement des altocumulus, quelques cirrus et quelques stratocumulus sur l'ouest du pays. Sur l'est, le ciel est encore temporairement serein.
L'air maritime envahira cependant rapidement le pays et les maxima seront nettement plus bas que la veille, avec 22 à 23°C au centre du pays. Au littoral, mais aussi sur une bonne partie des polders, la température ne dépassera même plus 17 à 18°C. Seul l'est du pays bénéficiera encore de températures véritablement estivales, avec 26, voire 27°C en Campine. En dépit de cette arrivée d'air maritime, les éclaircies redeviennent assez larges en journée dans la plupart des régions.
Le vent de sud à sud-est basculera progressivement à l'ouest, en premier lieu en Flandre. Dans un deuxième temps, le vent retournera au secteur sud à sud-est, mais cela n'enlèvera rien au fait que nous nous trouvons désormais du côté froid.
Le passage du front occasionne des précipitations très irrégulières sur le pays, parfois juste quelques gouttes et parfois des quantités conséquentes. Les plus hautes cotes sont principalement relevées à l'est du pays, avec par exemple 18,9 mm à Geel (Province d'Anvers), 17,4 mm à Gorsem (Limbourg) et 17,0 mm à Nadrin (Luxembourg). Là par ailleurs, les précipitations reprennen un caractère orageux.
Radioactivité
3-4 mai - activité ß des poussières en mBq/m3 (entre parenthèses, activité ß des précipitations en Bq/m2, si disponible)
Coxyde : 540,0 (0,0)
Uccle : 2 423,0 (1 638,8)
Ixelles : 4 398,0
Dourbes : 1 940,0
Mol : 3 500,0 (480,0)
Au cours des jours suivants, cette radioactivité baissera rapidement, sans pour autant redescendre tout à fait au niveau d'avant Tchernobyl. À titre d'exemple, on peut dire que l'activité ß globale des poussières de l'air oscillait entre 0,1 et 0,5 mBq/m3 avant la catastrophe. Un bon mois après la catastrophe (fin mai), le niveau de cette activité ß se situera la plus souvent entre 1,0 et 4,0 mBq/m3.
Cartes de surface des 2, 3 4 et 5 mai 1986. source : IRM
Les différences entre les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima et le futur du nucléaire.
Il y a quand même des différences notables entre la catastrophe de Tchernobyl et celle de Fukushima.
Il n'y a pas eu d'explosion majeure comme à Tchernobyl, mais plusieurs petites dans les jours qui ont suivi le séisme. Des quantités moins importantes de matières radioactives ont été rejetées dans l'atmosphère qu'au cours de l'accident de Tchernobyl. Par contre, il y a eu, dans le cas de Fukushima, d'importants rejets de radioactivité dans la mer, toute proche.
Le contexte politique aussi est différent, l'URSS de l'époque ayant attendu trop longtemps, par orgueil idéologique, toute aide de l'Occident, ce qui n'est pas le cas du Japon.
Enfin, contrairement à Tchernobyl, l'Europe n'est pas directement touchée par le "nuage" radioactif de Fukushima, même si une augmentation du niveau de radioactivité de l'air a pu être mesuré en Europe, mais sans commune mesure avec les taux enregistrés lors du passage du "nuage" de Tchernobyl.
La question qui est posée actuellement, ravivée par la catastrophe de Fukushima est : "Faut-il abolir les centrales nucléaires ?"
Ce n'est sans doute pas à un site météorologique de répondre à cette question, mais il faut savoir que, quelle que soit la décision prise, le nucléaire est une des seules alternatives à grande échelle qui permet de produire de l'énergie sans rejet de CO2 dont on connait l'influence d'une augmentation des concentrations atmosphériques sur le climat. Or l'abandon du nucléaire à l'heure actuelle impliquera d'augmenter à nouveau nos productions de CO2 via des centrales thermiques classiques, les autres sources dites renouvelables ne sont pas encore assez performantes pour prendre le relais en matière de besoin ni surtout de manière continue. Outre une augmentation significative des prix de l'énergie, une plus grande dépendance des produits pétroliers, il faut aussi savoir que notre pays est déjà dépendant de ses voisins en terme de production d'énergie électrique et la suppression des centrales existantes ne va pas améliorer cet état de fait.
Et puis, il ne faut surtout pas que la décision soit belge, mais européenne : si la Belgique devait supprimer ses centrales, il faut savoir que cela ne changerait rien au niveau de la sécurité nucléaire de notre pays : énormément de centrales des pays voisins sont juste à nos frontières : l'exemple des centrales de Chooz, près de Givet le long de la Meuse, qui sont françaises, mais complètement enclavées dans le territoire belge en est l'élément le plus marquant...
A noter toutefois que, suite à la catastrophe de Fukushima, l'Allemagne a rapidement pris la décision d'abandonner le nucléaire pour sa production d'électricité.
Sources
IRM
- Bulletins mensuels – observations climatologiques – avril et mai 1986
- Bulletins mensuels – observations synoptiques – avril 1986
- Cartes synoptiques – 26 avril - 2 mai 1986
- Sondages d’Uccle (via OGIMET)
- Aspects météorologiques de l'accident nucléaire de Tchernobyl : conséquences pour la Belgique, 1990
Wetterzentrale – NCEP Reanalysis
- Reanalysis panels
Wikipedia